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Par rapport à la nouvelle donne, la fin de la campagne annoncée ce vendredi à minuit pose problème.

Les élections initialement prévues le dimanche 23 décembre en RD Congo ont été repoussées de sept jours, soit le 30 du mois en cours. L’annonce a été faite par le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), au cours d’une conférence de presse hier à Kinshasa. Selon Corneille Nangaa, l’incendie criminel de l’entrepôt de la Centrale électorale survenu dans la nuit du mercredi 12 au jeudi 13 décembre à Kinshasa, se trouve parmi les principales raisons techniques du report dudit scrutin.

Dans une conférence de presse donnée hier jeudi 13 décembre, quelques heures après ledit incendie, Corneille Nangaa avait déclaré la perte de huit mille machines à voter parties en fumée. Au cours du même face-à-face avec la presse, le président de la CENI avait aussi indiqué que 2.676 machines à voter avaient bel et bien échappé des flammes. Hier encore, Corneille Nangaa a précisé qu’en plus des 2.676 machines à voter, "rescapées" dudit incendie, des machines préalablement affectées au titre de "stock tampon" des entités administratives, ont été ramenées à Kinshasa. 
Cependant, le numéro 1 de la Ceni souligne que toutes ces machines ramenées des provinces ne contiennent pas de bulletins de vote. Il a donc fallu repasser la commande auprès du fournisseur en Corée du Sud. Par rapport à la date du 23 décembre prévue pour la tenue effective des élections, il se pose là, un problème technique non des moindres. Mais la Centrale électorale affirme avoir contourné cet écueil technique. "5. 000.000 de bulletins de vote ont été commandés dont le premier lot de 1.000.000 est arrivé à Kinshasa depuis le mercredi 19 décembre, alors que le dernier ne peut arriver dans la capitale qu’au soir de samedi 22 décembre", a expliqué Corneille Nangaa, lors de sa conférence de presse d’hier.

UN MINIMUM DE 60 HEURES POUR INITIALISER LES MACHINES
Toujours dans le cadre des raisons techniques qui milité en faveur du report des élections, le président de la Ceni ajoute le temps que requiert le démarrage des machines à voter ramenées de l’arrière-pays. Selon lui, ces machines ne nécessitent pas seulement d’être configurées, mais aussi initialisées afin de les adapter aux circonscriptions de Kinshasa. 
Se référant à l’expertise de la Ceni, Corneille Nangaa déclare que cette opération de configuration et d’initialisation des machines exige un minimum de 60 heures. En d’autres termes, dit-il, « ces machines ne pourront être prêtes que le mercredi 26 décembre ». Soit, trois jours après la tenue des élections, dans l’hypothèse que celles-ci soient organisées à la date prévue du 23 décembre. Que fallait-il faire ? 
Pour toutes les raisons avancées ci-dessus, la Ceni s’est retrouvée devant des difficultés techniques réelles, ne lui permettant pas d’organiser les élections ce dimanche. Face à cet obstacle, Corneille Nangaa affirme avoir mis deux hypothèses sur la table. La première, aller aux élections le 23 décembre, sans la ville province de Kinshasa. La deuxième, organiser les élections sur toute l’étendue du territoire national et reporter la date du scrutin au 30 décembre. 
Etant donné qu’il s’agit d’une matière qui touche plusieurs sensibilités aussi bien en interne qu’en dehors des frontières du pays, la Centrale électorale n’a pas voulu endosser la lourde responsabilité de décider toute seule. Aussi, a-t-elle engagé des consultations auprès de toutes les parties prenantes au processus en cours. A savoir les institutions du pays, les présidents des partis politiques, des candidats à la présidentielle ou leurs représentants, les chefs des Confessions religieuses, les représentants des organisations internationales, en poste à Kinshasa.Après les différents entretiens, une dynamique s’est dégagée en faveur du report d’une semaine de la tenue des élections.

LES REGARDS TOURNES VERS LAMUKA ET CACH
L’annonce du report du scrutin, à trois jours du jour-J initial, a été diversement accueillie hier dans les rues de Kinshasa. Certains Kinois avertis ont vite réagi que la décision de Corneille Nangaa a été sans surprise. Autrement dit, aux yeux de ces Kinois, le renvoi de la tenue des élections directes présidentielle, législatives nationales et provinciales a été prévisible. Pour le Kinois lambda, il s’agit d’un coup de théâtre ! Rien d’étonnant dans une campagne électorale pour la présidentielle émaillée par des scènes de violence.
A la coalition Lamuka, le porte-parole de Muzito, Stève Kivuata, parle d’un report à motivation politique. 
En tout cas jusque tard dans la soirée d’hier, aucune déclaration officielle de principales plateformes électorales en vue. Ni le Front commun pour le Congo (FCC) ni Lamuka ni CACH n’ont réagi à la décision de la CENI. Peut-être le temps pour les uns et les autres d’affûter leurs armes et d’apprêter les éléments de langage. 
Cependant, d’aucuns pensent qu’il ne serait pas étonnant de voir l’Opposition donner sa position dans les jours ou les heures qui suivent. Cach va se prononcer demain, à l’occasion de la conférence de presse que cette plateforme électorale va donner au siège de l’Udps à Limete. Mais des sources qualifiées indiquent aussi que la coalition née à Genève va se prononcer formellement dans la journée.
Désormais donc, tous les regards se trouvent rivés vers la coalition "Lamuka" de Martin Fayulu, candidat n°4 à la présidentielle, et CACH de Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, candidat n°20 à la même élection. Que pensent-ils du report du scrutin ? Endossent-ils la décision de la CENI ou qu’ils la rejettent carrément ? Toute la question semble être là.
Toujours est-il que rejeter cette décision pourrait paraître comme une posture ferme et légaliste parce que la date du 23 décembre était actée, en accord avec la classe politique et la communauté internationale. Donc, ne pas tenir ce délai pourrait s’apparenter à un manquement d’organiser les scrutins à cette même date. 
Au jour d’aujourd’hui, l’ajournement des élections apparaît comme une décision technique et non politique. Par conséquent, rejeter cette décision risque de s’apparenter à une politique de la chaise vide. Si on a attendu pendant deux ans pour organiser les élections, on ne comprend pas pourquoi on perdrait de la patience pendant sept jours. Une semaine n’est pas trop.

VIVEMENT LA POURSUITE DE LA CAMPAGNE
Si le scrutin a été repoussé de sept jours, le même sursis ne profite pas à la campagne électorale. Selon Corneille Nangaa, celle-ci doit impérativement prendre fin dès aujourd’hui vendredi 21 décembre à minuit. Le numéro 1 de la centrale électorale s’en tient aux dispositions de la loi électorale qui limite la période de la campagne électorale à un mois. Soit trente jours calendrier. 
Vu des textes, le patron de la Ceni a raison. Toutefois, des observateurs estiment qu’en même temps, Corneille Nangaa devrait tenir compte de la nouvelle donne. A partir de ce vendredi, les Congolais ont encore neuf jours devant eux, avant d’aller aux urnes. Sauf éventuel nouveau report. Que fera-t-on alors pendant les neufs jours qui séparent des élections ? A tout point de vue, la campagne a le mérite de maintenir ou de plonger la population dans l’ambiance du scrutin. Par conséquent, le fait de demander aux différents candidats d’y mettre fin à plus d’une semaine des élections, risque de créer un grand vide dans les esprits des électeurs. 
Parce que ce sont les candidats qui utilisent leurs moyens pour battre campagne, on ne voit pas en quoi cela dérangerait la Ceni. S’il y en a qui pensent être capables de poursuivre la campagne jusqu’au 28 novembre, il serait conséquent de le leur permettre. Dès lors, d’aucuns pensent qu’il s’agit ici d’une question de cohérence. Simplement. "Les élections ayant été repoussées, le Président de la CENI doit aussi être cohérent dans sa démarche", clame sans passion, un analyste politique. Ci-dessous, le texte de la conférence de presse de Corneille Nangaa. 

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