Mardi  26 novembre 2024 21:27
Connexion

Connexion à votre compte

Identifiant
Mot de passe
Maintenir la connexion active sur ce site

Comment fonctionne le groupe Etat islamique? Que pèsent les combattants étrangers en son sein? Comment le combattre? Rencontre avec Michael Weiss, co-auteur de État Islamique. Au coeur de l'armée de la terreur.

Un peu plus d'un an après la formation d'une coalition militaire occidentale pour lutter contre lui, le groupe Etat islamique (EI) poursuit son avancée, en Syrie notamment. L'Express a interrogé Michael Weiss, co-auteur, avec le Syrien Hassan Hassan, d'un ouvrage sur la genèse et la métamorphose du groupe djihadiste, État Islamique - Au coeur de l'armée de la terreur, paru le 1er octobre aux éditions Hugo & Cie. 

Quelle la proportion de djihadistes originaires d'Irak et de Syrie au sein du groupe Etat islamique (EI)? 

Il y a toujours une majorité de djihadistes natifs de ces deux pays. Je dirais plus de 60%. Les médias occidentaux se focalisent sur les militants de Daech en provenance d'Europe ou d'Amérique du Nord. Mais la majorité des combattants étrangers provient de pays voisins ou du monde arabe: Tunisie, Turquie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis... Le nombre de djihadistes venus des pays occidentaux est minuscule rapporté à l'ensemble des recrues. 

Avec habileté, Daech les met en avant, sachant que cela nous terrifie. Dans une de ses vidéos de propagande tournée par l'otage britannique John Cantlie, peu après l'attaque contre Charlie Hebdo, il interroge un djihadiste français. Celui-ci encourage ceux qui ne peuvent rejoindre le "Califat" à rester dans leur pays: "On vous apprendra comment fabriquer des bombes, on vous donnera des instructions sur le moyen de vous procurer des armes et les cibles à viser." 

Quelles positions occupent ces combattants étrangers au sein de l'organisation? 

Les Irakiens, surtout, et les Syriens, constituent l'ossature de l'EI. Beaucoup d'entre eux -nous le décrivons dans le livre- proviennent de l'armée de Saddam Hussein et ont donc une formation militaire solide. 

A partir de 2010, en réaction à la création, dans la province irakienne d'Al Anbar, des milices du "réveil", les Sahwa, formées à l'initiative des Etats-Unis pour contrer Al-Qaïda, l'organisation s'est "irakisée". Elle était auparavant dirigée par le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui et des djihadistes étrangers, principalement. Aujourd'hui, l'EI est fondamentalement un mouvement irakien. 

Un jeune de 19 ans qui arrive de Grande-Bretagne, par exemple, ne va pas se retrouver dans le Conseil de la choura. On pourra lui demander d'être un kamikaze. Ceux qui parlent bien une langue occidentale et sont dotés d'un certain charisme sont employés pour la propagande. A l'image des Européens mis en scène pour l'exécution d'otages occidentaux. Daech les choisit pour leur capacité à créer un sentiment de paranoïa dans leurs pays d'origine, parce qu'ils sont nos semblables, nos enfants. 

L'exception à cette règle concerne les militants de formation militaire. Ceux-là peuvent gravir les échelons, tel Abou Omar el-Chichani, le Géorgien -de mère tchétchène- devenu commandant de la branche militaire de l'EI. Formé par l'armée géorgienne, entrainé par les Etats-Unis, cet habile tacticien avait combattu les Russes en 2008. Il a dirigé l'assaut qui a permis la prise de la base aérienne de Menagh, en aout 2013. Pour cela, il a fait appel à des kamikazes, dont un Saoudien. Un combattant étranger de Daech a donc utilisé un autre combattant étranger pour une opération suicide. 

Omar el-Chichani

Omar el-Chichani

AFP / AL-ITISAM MEDIA

Pourquoi les grandes puissances ont-elles été incapables de stopper la progression de l'EI? 

La coalition n'a pas obtenu d'avancée réelle dans la lutte contre l'EI; elle a au mieux ralenti sa progression. Le Daily Beast a révélé, le mois dernier, qu'une cinquantaine d'agents du Commandement militaire américain s'étaient plaints que leurs rapports étaient dénaturés par les services de renseignement, de façon à enjoliver les progrès de la coalition contre Daech.  

Les Occidentaux ont choisi une politique antiterroriste similaire à celle mise en oeuvre en Irak en 2005-2006, par George Casey, commandant des forces de la coalition: bombarder depuis les airs, essayer d'entrainer des troupes locales, forces de sécurité irakiennes, peshmergas kurdes, miliciens turkmènes et arabes. Cela n'a pas marché. D'abord parce que certains de ces partenaires ne sont pas fiables. Une partie d'entre eux éprouvent de la sympathie pour Daech. Les autres occupent souvent une position problématique, en raison de leur sectarisme, telles les milices chiites en Irak. Elles ont obtenu des succès face à Daech, mais leurs exactions sont perçues comme un 'djihadisme chiite' à l'encontre de l'islam sunnite. 

Quelles méthodes seraient efficaces contre l'EI? 

L'une des principales leçons de la guerre d'Irak est qu'on ne peut pas venir à bout des djihadistes sunnites sans les sunnites. La plus grande menace pour l'EI serait l'émergence de nouvelles milices Sahwa. Mais deux obstacles empêchent la réédition de cette expérience: d'abord l'absence de troupes de la coalition au sol susceptibles d'être perçues comme des forces d'interposition crédibles par les tribus d'Irak ou de l'est de la Syrie. Depuis 2006-2007, ensuite, l'EI a tout fait pour empêcher l'émergence de nouvelles milices de ce type. Après avoir repris le contrôle de larges pans du territoire irakien, Daech a produit des vidéos exhibant d'anciens dirigeants des Sahwas, leurs confession forcées, avant de leur faire creuser leur propre tombe et de les égorger. Les propagandistes alternent ces images avec celles de foules faisant acte de repentance et acclamant l'EI et son chef Abou Bakr al-Baghdadi. Le message est très persuasif! Les sunnites doivent choisir entre l'allégeance à Daech, et le traitement odieux réservé aux félons.  

Entrainement de milices "Sahwas", à Taji, près de Baghdad, en décembre 2008.

Entrainement de milices "Sahwas", à Taji, près de Baghdad, en décembre 2008.

Reuters/Saad Shalash

Et les frappes aériennes ? 

Elles sont inutiles. En termes économiques, c'est un non sens. Un missile tomahawk coûte plus d'un million de dollars. L'utiliser contre des 4x4 Toyota, (400 à 600 dollars pièce), c'est du gaspillage, sachant que les djihadistes trouveront d'autres véhicules sans difficulté. Ils se sont emparés de vastes quantités de matériel militaire américain, humvees, tanks, véhicule de transport de troupes...  

Pendant la seconde bataille de Falloujah, en 2004, les Etats-Unis ont déversé des tonnes de bombes sur cette ville, déployés des forces considérables. La bataille a duré deux semaines. Dès la première semaine des opérations, Al-Qaïda en Irak, l'ancêtre de Daech, avait quitté Falloujah et s'était installé à Mossoul. Ce type de mouvement de guérilla est très difficile à éradiquer. Bombarder ne sert à rien. Vous aller tuer beaucoup de civils, détruire des infrastructures. Hassan Hassan (co-auteur du livre) raconte que nombre de Syriens, à Deir Ezzor, ont rejoint Daech non pas par conviction mais parce que leurs moyens d'existence avaient été détruits. Pour échapper au dénuement ou à l'exil, ils doivent se soumettre à l'EI, qui par ailleurs fournit assistance et services sociaux, à la manière des organisations mafieuses. Un mode de fonctionnement somme toute, assez proche de celui imposé par Saddam Hussein ou Hafez el-Assad et son fils, pendant des décennies.  

Certains experts, comme le juge Trévidic parlent d'une menace majeure pour la France, qui serait aujourd'hui l'ennemi numéro 1 de Daech... 

Oui, la France est susceptible d'être à nouveau visée. Le déserteur à qui j'ai parlé récemment m'expliquait qu'il était chargé de la formation de combattants pour des opérations étrangères. Il m'a dit avoir entrainé récemment deux djihadistes français, rentrés depuis en France. Daech a des agents dormants en Europe, qui attendent le moment propice pour frapper.  

Attaquer un pays comme la France est aujourd'hui plus facile que de frapper les Etats-Unis. On sous-estime la compréhension du mode de fonctionnement des sociétés occidentales par l'EI. Daech est bien renseigné sur la sociologie, le climat politique des pays occidentaux, la place des partis poujadistes, l'islamophobie qui y véhiculée par plusieurs partis. 

Les mesures d'exception réclamées par les partis populistes pour répondre aux actes terroristes commis par des musulmans font le jeu de l'EI. Après les premières frappes russes en Syrie, récemment, l'église orthodoxe russe a qualifié de "guerre sainte" l'intervention de Moscou. C'est précisément la musique que l'EI veut entendre: l'armée des "mécréants" contre "l'armée de l'islam". 

EI, au coeur de l'armée de la Terreur

Avec l'express

 

 

Application de CComment' target='_blank'>CComment

Info en Direct


search

À la une

PUBLICITÉ

  • RDC annonces
    RDC annonces
  • RDC emploi
    RDC emploi
  • RDC immo
    RDC immo

Les crimes oubliés en RDC

Le Panafricaniste Kemi Seba parle du criminel Kagame et de la RDC

Copyright ©2014-2017 RDC Nouvelles | Membre du réseau RDC Médiacom | Site conçu et hébergé par RDC Netcom