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L'élection de Justin Trudeau est accueillie avec beaucoup d'enthousiasme, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Par sa vision politique novatrice, le nouveau premier ministre canadien ouvre des perspectives nouvelles quant à l'orientation future en matière de politique étrangère. Sa vision du monde et son vif intérêt de renouer avec la politique traditionnelle du Canada, suscitent beaucoup d'espoir et d'attente au niveau international.

L'Afrique aussi espère retrouver un interlocuteur qui lui prête une oreille attentive. En effet, depuis les années 1960, le Canada a toujours été sensible aux problèmes des jeunes États africains nouvellement indépendants.

En 1960, alors que la République démocratique du Congo, quelques mois à peine après avoir accédé à l'indépendance, sombra dans le chaos, le Canada, fort de son expérience dans les opérations de maintien de la paix, n'hésita pas à jouer un rôle déterminant au sein de la mission des Nations Unies au Congo (ONUC) pour rétablir la paix.

Depuis, le Canada bénéficiait de beaucoup de considération en Afrique, comme un pays qui contribuait au maintien de la paix et la sécurité internationale, notamment par son engagement aux opérations de paix des Nations Unies, sa diplomatie préventive efficace qui privilégiait le dialogue, la médiation et le consensus, et sa contribution financière importante aux programmes d'aide au développement en vue de combattre la pauvreté dans les pays en développement.

Mais pendant la décennie écoulée, le Canada a pris un virage à 180 degrés en s'éloignant politiquement de l'Afrique. Du coup, la dynamique de la coopération canadienne d'autrefois a considérablement changé en donnant priorité essentiellement à la croissance économique et aux investissements privés. Ottawa n'a manifesté que peu d'intérêt politique à l'égard de l'Afrique.

Maintenant que la donne politique vient de changer à Ottawa, du moins sur le plan idéologique, une opportunité se présente de renouer politiquement avec l'Afrique. Ottawa devrait rétablir des relations cordiales avec les pays africains. Il devrait irrémédiablement revoir la politique qui a limité à 7 le nombre de pays africains bénéficiant du soutien financier et de l'assistance technique du Canada. Inutile de rappeler que cette politique n'avait pas du tout été bien accueillie par l'opinion publique africaine.

Ottawa devrait axer sa politique africaine sur trois volets essentiels (politique et diplomatique; humanitaire et développement; et économique et investissements privés) pour lancer un signal clair aux Africains que le Canada de Justin Trudeau a une réelle volonté de renouer avec l'Afrique. Ces trois volets devraient être soutenus par des aides bilatéraux substantiels pour garantir les intérêts canadiens dans le continent.

Volet politique et diplomatique

Le volet politique est très important pour renforcer les relations bilatérales entre les États et ouvrir des portes pour des opportunités d'affaires. D'ailleurs les spécialistes, tant de relations internationales que de développement international, sont très conscients et reconnaissent que toutes formes d'aide bilatérale comportent un certain degré de manipulation politique, économique ou diplomatique de la part du pays donateur.

En effet, le Canada est le seul développé qui n'a pas un passé colonial en Afrique et qui pouvait se prévaloir d'être un partenaire privilégié de l'Afrique, dans la mesure où il appartient à deux organisations intergouvernementales (Francophonie et Commonwealth) dont la plupart des pays africains sont membres soit de l'une, de l'autre ou de deux.

Dans ces deux organisations intergouvernementales, le Canada a une position de membre influent, politiquement et diplomatiquement, notamment par sa contribution financière au bon fonctionnement de celles-ci.

Et pourtant, la présence et l'influence politique du Canada en Afrique ont diminué sensiblement. Le Canada a tout simplement fait mine d'ignorer l'importance politique que représentait l'Afrique comme un allié éventuel sur l'échiquier international. J'en veux pour exemple tous les efforts entrepris par la diplomatie canadienne pour persuader les États africains, membres de la Francophonie et du Commonwealth, d'appuyer la candidature du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont abouti aux résultats non concluants.

Tout ceci pour dire que l'aide au développement est profitable, de part et d'autre, aussi bien pour celui qui donne que pour celui qui reçoit. Elle demeure un outil important dont disposent les diplomates qui s'en servent allégrement pour influer sur les décideurs politiques de leurs pays d'affectation. Elle facilite également la progression des intérêts politiques, économiques et diplomatiques de pays donateurs.

Volet humanitaire et développement

L'assistance humanitaire comme un support aux efforts de paix dans le monde et l'aide publique au développement (APD) qui, autrefois, étaient d'une importance vitale pour l'Afrique ont vu leur budget se fondre comme neige au soleil, d'année en année.

Le Canada a sensiblement réduit sa participation aux opérations de maintien de la paix en Afrique, alors que le nombre et l'intensité des conflits armés dans cette région du monde n'ont cessé d'augmenter au courant des dix dernières années.

Selon les statistiques de l'OCDE, l'APD du Canada se situerait aux alentours de 0.24 % du revenu national brut (RNB) en 2014, soit une baisse de 10.7 % en termes réels par rapport à 2013. Alors qu'il devrait normalement être d'au moins de 0.7% du RNB. L'APD du Canada a donc reculé tant en volume qu'en pourcentage du RNB, au point qu'aujourd'hui le Canada se classe au 16e rang des donneurs membres du Comité d'aide au développement (CAD) pour le rapport de l'APD au RNB et à la 10e place pour le volume de l'aide.

La part belle du budget du développement international est destinée essentiellement à la promotion des intérêts économiques privés, ce qui n'est pas mauvais en soi, si on pouvait faire de même pour l'assistance humanitaire aussi.

Avec l'adoption en septembre dernier des Objectifs du développement durable (ODD), espérons que le Canada pourrait se réengager avec un programme ambitieux pour aider l'Afrique dans le processus de réalisation des ODD.

Volet économique et investissements privés

Point n'est besoin de rappeler que l'Afrique regorge d'immenses ressources naturelles qui suscitent bien des convoitises.

Les quelques entreprises canadiennes qui sont présentes en Afrique, investissent essentiellement dans le secteur des ressources naturelles, notamment énergétiques et de l'exploitation des mines.

Au cours des dix dernières années, le Canada a signé des accords de promotion et de protection des investissements étrangers (APIE) avec plusieurs pays africains pour éliminer les barrières discriminatoires et garantir aux entreprises canadiennes l'accès aux marchés nationaux, ce qui est une très bonne chose pour encourager les investissements étrangers dans le continent.

L'Afrique offre beaucoup d'opportunités d'affaires pour les entreprises canadiennes. Avec une volonté politique, le Canada peut faire davantage pour renforcer les liens économiques avec l'Afrique. Il dispose de ressources et de savoir-faire nécessaires pour obtenir des parts de marché importantes dans divers domaines tels que la construction des infrastructures de base.

En effet, pendant que le Canada a délaissé l'Afrique pour se tourner essentiellement vers l'Asie, notamment en Chine et en Inde, ces derniers se positionnaient en Afrique avec de gros investissements et raflaient les parts de marché importantes dans le continent. Aujourd'hui, la Chine devient pratiquement le premier partenaire économique de l'Afrique, dépassant même les partenaires traditionnels du continent. Elle est présente dans la plupart des pays africains et importe massivement les matières premières africaines.

Comme le nouveau premier ministre canadien l'avait indiqué dans sa plate-forme électorale : « Nous allons rétablir le leadership du Canada sur la scène mondiale. » Et répété après son élection : « Le Canada est de retour sur la scène internationale », nous avons bon espoir et restons confiants que le gouvernement Trudeau va déployer des efforts substantiels pour rétablir des rapports cordiaux avec l'Afrique et consolider des relations politiques, économiques et diplomatiques avec celle-ci.

Les populations africaines aimeront voir un premier ministre canadien qui parle sincèrement aux dirigeants africains, pas seulement de l'économie et d'inopportunités d'affaires pour les investisseurs canadiens, mais aussi de l'État de droit, du respect des droits de la personne, de la démocratie, de l'égalité entre les sexes, de la non-discrimination et de la préservation de la paix et la sécurité internationale, telles sont des valeurs chères aux Canadiennes et Canadiens.

Avec Isidore kwandja Ngembo/ Le huffington post

 

 

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