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Cela fait six mois que des millions de Congolaises et Congolais se trouvent dans l’attente de l’organisation du dialogue national devant redéfinir les contours du processus électoral présentement en panne. Il y a six mois, tout portait à croire que le président de la République, Joseph Kabila, garderait l’exclusivité de la consultation des candidats et non-candidats à la participation à cette « Table ronde ». Mais, aujourd’hui, force est de noter que le cercle des « consultants » s’est fortement élargi avec respectivement Saïd Djinnit (Envoyé spécial du SG des Nations Unies dans les Grands Lacs), la Cenco (Conférence Episcopale Nationale du Congo), la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), le Nonce Apostolique (représentant du Pape François en RDC), Edem Kodjo (représentant de la Présidente de la Commission de l’Union Africaine).

Il y a lieu d’avouer que c’est trop pour un forum national qui aurait dû être placé sous le sceau de l’urgence. C’est à croire qu’il ne prendra jamais corps alors que tout le monde le juge incontournable pour la survie de l’Etat-Nation. Et pourtant en juin 2015, lorsque le Chef de l’Etat lançait des consultations avec la classe politique, la société civile et la communauté internationale, l’on était loin de penser que l’affaire allait tirer en longueur.

Le défilé endiablé des délégués de l’Opposition, de la Majorité, des confessions religieuses, des autorités traditionnelles, des Ong de défense des droits de l’homme, des organisations juvéniles et féminines, des assemblées et gouvernements provinciaux, de l’ONU, de l’UA…ne laissait aucun doute quant à l’annonce de la « bonne nouvelle » par le Président de la République à l’occasion des festivités du 55me anniversaire de l’indépendance nationale.

Hélas, dans son message du 30 juin à la Nation, à partir de la ville portuaire de Matadi, Joseph Kabila était resté énigmatique au sujet de l’organisation de ce forum. Entre-temps, deux camps diamétralement opposés venaient de se former : les pro et les anti-Dialogue. Et, pour ajouter à la confusion, les émissaires de Kabila ainsi que ceux d’Etienne Tshisekedi (UDPS) ont choisi de jouer, en août 2015, successivement à Venise (Italie) puis à Ibiza (Espagne) une « partition » spéciale qui avait fait craindre la conclusion d’un deal politique derrière le dos du peuple congolais.

Plus les jours, les semaines et les mois passaient, et davantage s’éloignait la perspective pour les Congolais de se retrouver autour d’une même table. Alors qu’on attendait qu’il puisse communiquer à la Nation les conclusions de ses consultations, le Chef de l’Etat s’offrait, en septembre 2015, un second tour de table avec pratiquement les mêmes interlocuteurs que ceux sondés en juin. C’était, avait-il laissé entendre, pour mieux appréhender la vision du dialogue par les uns et les autres. Le flou persistant autour du Dialogue, Tshisekedi se signalait par l’annonce du retrait de ses délégués aux pré-négociations avec ceux de Kabila et du délai butoir du 30 novembre, au terme duquel le dialogue serait sans objet, si le Secrétaire général des Nations Unies ne désignait pas le médiateur international chargé de le piloter.

Pendant que les spéculations allaient bon train autour du « blocage » du dialogue, Kabila lâchait du lest le 28 novembre en annonçant, sans en préciser la date, la tenue certaine de ce forum avec, à son ordre du jour, les points largement partagés par les pro-dialogue, notamment l’élaboration d’un calendrier électoral consensuel, le financement des élections, l’enrôlement de nouveaux majeurs, la sécurisation du processus électoral, la révision du fichier électoral, etc.

            Il jetait, au passage, un pavé dans la mare, en proposant une réflexion autour d’un système électoral moins coûteux que celui actuellement en vigueur. Même les pro-dialogue y voyaient l’ombre d’une révision, unique alternative pour modifier le mode d’élection. Comme si cela ne suffisait pas, il signait, le 30 novembre, une ordonnance portant mise en place du Comité préparatoire du Dialogue et d’une co-médiation Pouvoir-Opposition, sans une fois de plus indiquer la date de la convocation du dialogue.

 

Et voici Saïd Djinnit

            Alors qu’on pensait que plus rien ne se passerait jusqu’à la fin de l’année, le Secrétaire général des Nations Unies créait la surprise en dépêchant à Kinshasa Saïd Djinnit, son Envoyé spécial dans les Grands Lacs. Pour les uns, c’était le « Facilitateur » ou « Médiateur » tant attendu pour le dialogue et, pour les autres, un simple « prospecteur » du terrain. A son agenda, l’on avait signalé des contacts avec le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, le Premier ministre Matata, les présidents du Sénat Léon Kengo et de l’Assemblée Nationale Aubin Minaku, des délégués des partis politiques de la Majorité comme de l’Opposition, des représentants de la Société civile, le staff de la Ceni, etc.

            C’est quand, au terme de son séjour kinois et sur son chemin du retour à New York, il a fait escale à Bruxelles, pour sonder Etienne Tshisekedi, que tout le monde a compris que sa mission était simplement « exploratoire ». Pour quel résultat ? On attend encore pour le savoir.

 

La Cenco dans la danse

Peu avant la fin de l’année, juste après le passage de Saïd Djinnit à Kinshasa, les Evêques membres du Comité Permanent de la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo) entraient à leur tour en scène, en invitant des délégués des partis politiques et de la Société Civile, pro comme anti-dialogue, au siège de Caritas, à Kinshasa, pour recueillir leurs cahiers de charges en rapport avec ce forum. Le président du Sénat, Léon Kengo, était compté parmi les hôtes des prélats catholiques, de même que celui de la CENI, Corneille Nangaa. Quant à celui de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku, certainement prisonnier d’un calendrier trop chargé, il était « consulté » dans son cabinet de travail, au Palais du peuple. Pour boucler la boucle, la Cenco s’est présentée au Palais de la Nation, pour remettre les conclusions de ses contacts au Chef de l’Etat. Sans plus.

La CENI aussi…

Présente aux consultations du Chef de l’Etat, de Saïd Djinnit et de la Cenco, la CENI a relancé, en début d’année, des consultations avec des représentants des institutions publiques, des partis et regroupements politiques, de la société, qu’elle a dit avoir été interrompue après les turbulences connues après la cascade de démissions enregistrées au niveau de son staff. Jusqu’ici, elle n’a pas encore fini de prendre langue avec les pro et anti-dialogue. Le but poursuivi par ces contacts serait de sensibiliser les différentes parties prenantes au processus électoral sur l’impératif du réaménagement du calendrier électoral, dont la réalisation dépend d’un compromis politique global.

 

Enfin, Edem Kodjo…

            Edem Kodjo, ancien Secrétaire général de l’ex-OUA, ancien ministre des Affaires Etrangères et Premier ministre togolais, s’est annoncé à Kinshasa en début de semaine à l’initiative de la Présidente de la Commission de l’Union Africaine, Mme Nkosazana Dlamini Zuma. Il est chargé, lui aussi, de collecter des données sur la faisabilité ou non du dialogue. A ce sujet, il a rencontré le Chef de l’Etat, le staff de la CENI, des délégués des partis et regroupements politiques et de la Société civile. Un détour par Bruxelles, auprès d’Etienne Tshisekedi, serait envisagé. Et pourtant, à Kinshasa, l’homme a eu à échanger avec des plénipotentiaires de l’UDPS, à savoir le Secrétaire général Bruno Mavungu, ainsi que les Secrétaires généraux adjoints Bruno Tshibala et Joseph Kapika.

            Ce qui inquiète les Congolais, c’est l’accumulation des consultations alors que le dialogue reste toujours hypothétique et que le « glissement », que d’aucuns croyaient évitable, est en train de s’installer dans la durée. Les Congolais vont-ils réellement dialoguer ? Rien n’est moins sûr.

Avec le phare

 

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