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Quatre mois de raids aériens russes contre les jihadistes et les rebelles en Syrie ont permis à l’armée gouvernementale syrienne et à ses alliés de reprendre l’initiative sur le terrain. Les forces de Bachar el-Assad avancent sur presque tous les fronts, imposant de nouveaux rapports de force qui se traduiront par un durcissement des positions du régime lors des négociations de Genève, supposées trouver une issue politique à la tragédie syrienne.

De notre correspondant à Beyrouth,

Certains spécialistes, notamment américains, ont beau minimiser les conséquences de l’intervention des forces aériennes russes en Syrie, les développements sur le terrain leur donnent tort. Depuis que le président Vladimir Poutine a ordonné à son aviation de soutenir directement les forces de Bachar el-Assad, les rapports de force ont été inversés.

Au printemps dernier, l’armée gouvernementale syrienne subissait de graves défaites et reculait presque partout. Le groupe Etat islamique avait pris la ville de Palmyre et se rapprochait de Homs et de Damas, la capitale. « L’Armée de la conquête », dont le Front al-Nosra – la branche syrienne d’al-Qaïda – constitue une des principales composantes, occupait Idleb et Jisr al-Choughour, menaçant Lattaquié, région natale et fief du président syrien.

Dans le sud, la situation n’était pas meilleure. L’armée syrienne perdait de vastes territoires dans les provinces de Quneitra, limitrophe du Golan occupé par Israël, et de Deraa, frontalière de la Jordanie. De nombreux experts pensaient que la défaite militaire du régime n’était plus qu’une question de temps, d’autant que son armée était très affaiblie par les défections, les insoumissions et les lourdes pertes (plus de 46 000 morts jusqu’à mars 2015, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme). 

Quatre mois et des milliers de raids russes après, la situation a radicalement changé. Certes, l’armée syrienne rencontre une résistance acharnée de la part des rebelles – islamistes en majorité –, et sa progression est plus ou moins lente. Mais nul ne peut nier que les forces loyalistes sont désormais dans une dynamique offensive, qu’il sera difficile de stopper.

Cinq offensives simultanées

Appuyée par l’aviation russe, l’armée syrienne, soutenue au sol par les troupes supplétives de l’armée de défense nationale, par le Hezbollah libanais et par des instructeurs iraniens, a lancé simultanément cinq offensives majeures : à Lattaquié (ouest), au sud et à l’est d’Alep (nord), autour de Damas et dans la province de Deraa (sud). D’autres offensives de moindre envergure sont en cours à Quneitra (sud), au nord et à l’est de Homs (centre), à l’est et au sud de Hama (centre). Dans la province de Deir Ezzor (est), l’armée syrienne est sur la défensive face au groupe Etat islamique (EI).

Lattaquié est une priorité, car cette province abrite la base aérienne russe de Hmeimim, menacée par les rebelles, qui se trouvaient dans les montagnes, à 50 kilomètres. Après trois mois de combat, l’armée syrienne et ses alliés ont repris les deux principaux bastions rebelles de Salma et de Rabiha, défendus par des islamistes turkmènes d’obédience turque, par le Front al-Nosra et d’autres groupes.

Fin septembre 2015, les rebelles occupaient 750 kilomètres carrés de cette province de 2 300 kilomètres carrés. Aujourd’hui, ils n’en contrôlent plus que 190. L’armée syrienne est en passe de reprendre toute la province ainsi que les 15 kilomètres de frontière avec la Turquie, contrôlés par les rebelles depuis 2012. La prochaine cible de l’armée syrienne dans cette région est la localité de Kansabba, qui lui permettra de lancer la bataille de Jisf al-Choughour, verrou stratégique entre Idleb et Lattaquié, à la frontière avec la Turquie. Autre objectif, la localité de Kabina, qui ouvrira la bataille de Sermaniyé, principal fief d’al-Nosra dans la province voisine d’Idleb.

L’encerclement d’Alep

Simultanément, l’armée syrienne lançait, avec la participation du Hezbollah, une vaste offensive au sud d’Alep. Après deux mois de combats, elle a reconquis 800 kilomètres carrés et une soixantaine de localités, dont les villes de Hader, al-Is et Khan Toumane. Cette opération lui permet de procéder au désenclavement des quartiers ouest de la ville même d’Alep, qui sont sous son contrôle, et d’engager la bataille de la campagne à l’ouest de la grande métropole.

Dans le même temps, l’armée syrienne a ouvert un autre front, à l’est d’Alep, contre l’EI. Après une bataille qui a duré un mois, elle a brisé, le 10 novembre 2015, le siège de l’aéroport militaire de Kweirès, encerclé par les jihadistes depuis deux ans. Elle a ensuite poursuivi sa progression dans toutes les directions autour de l’aéroport, en concentrant ses efforts sur al-Bab, à 22 kilomètres à l’est d’Alep. L’armée syrienne n’est plus qu’à sept kilomètres de cette ville, qui est l’un des principaux bastions de l’EI en Syrie. En remontant vers le nord, elle pourra encercler les quartiers à l’est de la ville d’Alep, aux mains des rebelles.

Le régime a également lancé, il y a un mois, une vaste offensive dans la province de Deraa, dans le sud du pays. Après des combats féroces, qui ont fait des centaines de morts dans les deux camps (les rebelles ont reconnu la mort de 210 de leurs combattants), l’armée gouvernementale a repris la ville stratégique de Cheikh Meskin. Située à 70 kilomètres au sud de Damas, cette ville se trouve non loin de l’autoroute Damas-Deraa (la ville), et constitue un carrefour entre les provinces de Soueida, à l’est, et Quneitra, à l’ouest. Cette victoire permet de couper les voies de ravitaillement entre le sud et l’ouest de la province de Deraa et donne un précieux avantage à l’armée syrienne dans la prochaine bataille du sud syrien, avec pour ultime objectif la sécurisation de la frontière avec la Jordanie.

L’armée syrienne progresse aussi dans le fief rebelle de la Ghouta orientale, à l’est de Damas. Fin 2015, elle a repris l’aéroport de Marj al-Sultan et le village éponyme. Cette semaine, elle a procédé à l’encerclement total du fief rebelle de Daraya, au sud de la capitale, après avoir séparé cette ville de la localité de Mouadamiyat al-Cham, un autre bastion de l’opposition armée.

Sécuriser les frontières

La seule offensive qui a échoué, et que l’armée syrienne a dû interrompre, est celle de la plaine stratégique d’al-Ghab, entre les provinces de Hama (centre) et d’Idleb (nord). Après quelques succès initiaux, l’armée syrienne a reculé devant une contre-offensive des rebelles, qui ont repris les localités perdues ainsi que la ville de Morek. Mais après la reprise de Lattaquié, l’offensive d’al-Ghab devrait reprendre dans des conditions nettement plus avantageuses pour l’armée syrienne, selon un général libanais qui suit de près les développements militaires en Syrie.

Depuis l’intervention russe, l’armée syrienne a repris quelque 250 villes et villages, sur une superficie de près de 2 500 kilomètres carrés. Elle a durablement éloigné toute menace contre Damas et renforcé son contrôle sur la « Syrie utile », cette ceinture qui s’étend de Lattaquié à Deraa, en passant par les principales villes du pays. Pour écarter définitivement le danger de cette région vitale, il est impératif pour le régime de sécuriser la frontière avec la Turquie et la Jordanie. Un objectif qui n’est plus impossible à réaliser avec le soutien de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah.

Ces nouvelles réalités militaires vont sans doute se traduire par un durcissement des positions du régime syrien lors des négociations de Genève. Il est en effet peu probable qu’il présente des concessions qu’il avait refusé de faire lorsqu’il était dans une situation beaucoup moins confortable.

Avec rFi

 

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