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AFRIQUE

L'actualité de la semaine en Afrique

Une chape de plomb s'est abattue sur l'opposition au Bénin, où les arrestations durant la présidentielle du 11 avril ont instillé un climat de peur.

"Je ne préfère pas parler à la presse", "vous pouvez anonymiser mes propos ?" : interrogés au téléphone par l'AFP à partir de Lagos, au Nigeria voisin, plusieurs responsables politiques ou de la société civile affirment avoir désormais "peur" de s'exprimer. "Pour bien vivre à Cotonou, il vaut mieux ne rien dire, et surtout, rouler pour le président Talon", dit un opposant sous le couvert de l'anonymat. "C'est simple, nous avons peur d'être arrêtés, comme les autres".

Arrivé au pouvoir en 2016, Patrice Talon est accusé d'avoir engagé ce pays d'Afrique de l'Ouest dans un tournant autoritaire. Au cours de son premier mandat, les principaux opposants ont été poursuivis par la justice et ont fui à l'étranger. Mais depuis sa réélection avec plus de 86% des voix, "la situation s'est dégradée et la peur de s'exprimer et de se retrouver en prison n'a jamais été aussi forte", analyse Expédit Ologou, politologue béninois.

En cause, l'arrestation de deux responsables de l'opposition, dont les candidatures à la présidentielle avaient été recalées. D'abord celle de Joël Aïvo, un professeur de droit arrêté quelques jours après le vote. L'opposant, dont le procès s'est ouvert le 15 juillet, est accusé "d'atteinte à la sureté de l'État". Et celle de Reckya Madougou, une ancienne garde des Sceaux accusée d'"association de malfaiteurs et de terrorisme", arrêtée quelques semaines avant le scrutin.

"Joël Aïvo et Reckya Madougou sont les cas les plus emblématiques, mais il y en a beaucoup d'autres, des jeunes de l'opposition, qui se sont retrouvés en prison avant et après l'élection", affirme le responsable d'une association en France, qui vient en aide aux opposants arrêtés. Au moins une centaine, selon lui, mais ce nombre n'était pas vérifiable et les autorités béninoises, contactées par l'AFP, ne l'ont pas confirmé.

Opposants en exil

"Après ces arrestations, nous sommes nombreux à avoir fui dans les pays limitrophes", affirme un proche de Joël Aïvo, parti mi-avril au Togo. Là-bas comme au Nigeria, une centaine de jeunes ont trouvé refuge, selon lui. Plusieurs viennent du centre du pays, où durant la campagne, des violences avaient éclaté entre l'armée et des manifestants qui avaient dressé des barrages pour dénoncer l'absence d'opposition crédible.

Bill Souleymane Kingninohou, un responsable local du parti les Démocrates de Thomas Boni Yayi, prédécesseur et rival de Patrice Talon, désormais en exil, a quitté Cotonou le 7 avril pour le Togo, où il demandé l'asile. "Un commissaire m'a menacé au téléphone, puis des proches ont été arrêtés, alors je suis parti", explique Bill Souleymane Kingninohou, qui vit désormais sans ressource, loin de sa famille. "C'est mieux que de se retrouver dans une prison", dit-il.

Pour ce second mandat, nombreux pensaient que le président allait jouer la carte de l'apaisement. Mais trois mois plus tard, "on ne sent pas les prémices d'un dialogue politique", observe Expédit Ologou. "Personne n'empêche qui que ce soit de s'exprimer, de critiquer. Il faut juste assumer ses propos", affirme à l'AFP le directeur de la communication du président, Wilfried Houngbedji. "L'opposition républicaine est en place", ajoute-t-il, précisant qu'"un chef de file de l'opposition est désigné conformément à la loi".

Il s'agit de Paul Hounkpè, des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), l'ancien parti de Thomas Boni Yayi, qui en avait claqué la porte en 2019, affirmant que sa formation était désormais à la solde de Patrice Talon. "Après les médias, les syndicats, les partis politiques sont désormais au pas", déplore cependant Vincent Foly, directeur du quotidien d'opposition la Nouvelle tribune, interdit il y a trois ans.

Et même les deux partis dits radicaux, les Démocrates et l'Union sociale libérale - dont le fondateur, le richissime homme d'affaires Sébastien Ajavon, est aussi en exil - sont dans un état léthargique. "Il n'y plus de réunions, de marches, ou même de déclarations fortes de leurs leaders", déplore Vincent Foly. "Or, le pouvoir n'a aucun intérêt à s'asseoir avec l'opposition pour discuter si cette dernière ne l'y oblige pas".

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