Depuis maintenant près d’une semaine, un mouvement de manifestations parfois violentes est en train de se développer en Iran, principalement dans le sud du pays. Elles interviennent après la décision du gouvernement d'augmenter considérablement le prix de certains produits comme le pain, l'huile ou encore la viande.
Le gouvernement iranien a annoncé, lundi 9 mai, une série de mesures d'économie, dont la levée des subventions sur la farine et l'augmentation des prix de certaines denrées comme l'huile et les produits laitiers. Après cette décision, des centaines de personnes ont manifesté à travers le pays. L'annonce du gouvernement a également entraîné une ruée vers les supermarchés pour stocker des produits, selon des vidéos partagées sur les réseaux sociaux et des images diffusées par la télévision d'État.
Selon le journal réformateur Shargh, des dizaines de chauffeurs de bus se sont mis en grève lundi 16 mai à Téhéran pour dénoncer le non-respect d'une décision du Conseil supérieur de l'emploi, exigeant une hausse de 10% des salaires. Ils ont scandé des slogans hostiles au maire de Téhéran, Alireza Zakani, l'accusant d'« incompétence » et appelant à sa démission. Certains d'entre eux ont été arrêtés mardi.
Le samedi précédent, une personne avait été tuée lors d'une manifestation, selon Ahmad Avaï, un député iranien proche des milieux syndicaux. Le même jour, à Izeh, dans la province du Khouzestan, des personnes ont attaqué des magasins et incendié une mosquée. L'imam de la grande prière dans cette ville a dénoncé des « insultes contre l'islam et le Coran » lancées lors des manifestations. Le député d'Izeh, Abdollah Izadpanah, a indiqué que trois jeunes avaient été arrêtés pour avoir « jeté des pierres sur une mosquée ».
Un mouvement qui vient de loin
Ces dernières années, de nombreuses manifestations ont eu lieu en Iran pour réclamer de meilleures conditions de vie, notamment en novembre 2019 après une augmentation des prix du carburant.
Pour Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste de l’Iran, ce nouveau mouvement est donc à replacer dans un contexte plus large et exprime un ras-le-bol au-delà de l’augmentation du prix des denrées alimentaires.
« C’est comparable [au mouvement de] 2019 dans le sens où il y a une crise économique et sociale en Iran qui a commencé depuis 2018 avec la sortie de Trump de l'accord [sur le] nucléaire et la mise en place d’une politique de pression maximale américaine, analyse le chercheur. Il faut le signaler, Joe Biden n’est pas revenu dessus. Donc l’Iran exporte toujours très peu de pétrole. L’inflation en Iran est montée depuis 2018 à 40%. Pour les produits alimentaires début 2022, on atteint 60% d’augmentation pour le pain et les céréales. Il y a un climat économique et social explosif. Les instituteurs manifestent depuis des mois parce que toute la classe moyenne en Iran craint de tomber en situation de pauvreté. Et dans ce climat social explosif, le gouvernement iranien a décidé de supprimer des subventions sur l’ensemble de produits : l’huile, le pain, la viande et le lait. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Donc, c’est vraiment un cri de colère. Les gens n’en peuvent plus. »
En 2019, 230 personnes avaient alors été tuées dans des violences liées aux manifestations, selon les autorités. Des experts travaillant pour l'ONU évoquent eux un bilan de 400 morts.
(avec AFP)
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