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POLITIQUE

L'actualité Politique de la semaine en RDC

Depuis le début du mois de mars, plusieurs habitants de la province d’Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, documentent des massacres commis en territoires de Djugu et de Mahagi, où sévit depuis plusieurs années la milice Codeco. Tout cela sur fond de tensions communautaires historiques et l’enjeu du contrôle de mines.  Nos Observateurs dénoncent le manque d’implication des autorités, alors que les efforts militaires se concentrent contre le M23 dans la province voisine du Nord-Kivu.

Ce sont des photos insoutenables, envoyées par dizaines sur notre messagerie WhatsApp. Des corps mutilés, éventrés, démembrés, quand ils ne sont pas recouverts d’un drap pour cacher l’horreur.  Des hommes, des femmes, des enfants, même des nourrissons. 

Ces images nous été envoyées depuis début mars par des habitants, membres locaux de la société civile et chefs de village, de la province d’Ituri.  

Étant donné le caractère choquant de ces photos, nous avons caché les visages et les mutilations sur les clichés qui apparaissent dans cet article.  

Ces massacres ciblent en particulier la communauté Hema, et sont imputés à la Coopérative pour le développement du Congo, ou la Codeco, un groupe armé qui contrôle une grande partie du territoire de Djugu depuis 2017 et qui recrute dans la communauté rivale, les Lendu. 

“Quand quelqu'un part, on sait que s'il n'est pas revu le soir, c'est le deuil de sa perte qui commence”

André (pseudonyme) a transmis à la rédaction des Observateurs plusieurs images documentant ces massacres. Il est Hema, et a fui plusieurs fois avec sa famille les violences de la Codeco. Depuis Bunia, capitale de l’Ituri, il relaie les appels de détresse des villageois qui dénoncent des attaques de la Codeco. Ils se sont multipliés ces quatre derniers mois. 

Depuis le mois de janvier, il y a eu beaucoup d’attaques de la Codeco dans les villages Hema. En plus du lourd bilan humain, des maisons ont été brûlées, beaucoup de biens matériels pillés et des vaches décapitées… 

Plusieurs fosses communes ont été creusées ces dernières semaines. Parfois, les corps des personnes tuées gisent pendant plusieurs jours, car ils se trouvent sur des territoires difficiles d’accès, où l’armée ne va pas.  Mais quand quelqu'un qui est parti au champ, à la source d'eau ou au marché, on sait s'il n'est pas revu le soir ou le matin du jour prochain, que c'est le deuil de sa perte qui commence.

Une femme et un enfant décédés, en attente de leur inhumation, parmi  35 autres victimes tuées à Kilo-État entre le 12 et 13 avril dans une attaque attribuée à la Codeco. Extrait d’une vidéo filmée par la société civile locale.
Une femme et un enfant décédés, en attente de leur inhumation, parmi 35 autres victimes tuées à Kilo-État entre le 12 et 13 avril dans une attaque attribuée à la Codeco. Extrait d’une vidéo filmée par la société civile locale. © Les Observateurs

Le village d’où je viens a été incendié par la Codeco en 2017.  Nous avons fui vers un autre village, lui aussi incendié et pris par la Codeco en 2022, avant de fuir à Bunia. Aujourd’hui, la Codeco contrôle ces deux villages, et exploite nos terres. Plus personne (de ma communauté) n’y remet les pieds.

En Ituri, les militaires sont là, mais ils n’interviennent pas. Ils ne sont pas nombreux, on dirait que le gouvernement prend la situation à la légère.” 

Les massacres ont principalement eu lieu dans le territoire de Djugu mais aussi près de Mahagi, un territoire plus au nord qui n’est d’habitude pas attaqué par le groupe armé. Une dizaine de personnes ont par ailleurs été prises en otages sur la route en direction de la cité minière de Mongbwalu, un massacre attribué à une faction de la Codeco.

 

Carte centrée sur l'Ituri et le territoire de Djugu.
Carte centrée sur l'Ituri et le territoire de Djugu. © Les Observateurs

Au cours du mois d’avril, nos Observateurs nous ont signalé l’assassinat de dizaines de civils, notamment des déplacés. Ils nous ont également transmis des images des civils tués. Plusieurs attaques dans différents villages, entre le 12 et le 13 avril, ont notamment fait près de 62 victimes. 

Même pour les survivants, la situation est très difficile.”

Selon nos Observateurs, il est de plus en plus dur de se rendre sur le territoire de Djugu à cause de la dégradation de la situation sécuritaire. 

Mateso Savo Jospin est vice-président de la chambre du conseil Hema, une association qui souhaite alerter sur ces massacres.

Ces derniers temps, la Codeco se rapproche de plus en plus des camps de déplacés. Pour les survivants, dans les camps de déplacés, la situation est très difficile. Ils ne peuvent pas circuler pour aller au champ, ont du mal à trouver de l’eau aussi. Et l’aide humanitaire est très irrégulière. C’est un peu une deuxième forme de massacre [qui se profile, NDLR], beaucoup vont mourir de faim. 

 

Quatre déplacés ont été tués le 22 mars à proximité du camp de Rho, alors qu’ils cherchaient à manger. Image transmise par le conseil Hema via Président du site de déplacés Plaine Savo/BULE
Quatre déplacés ont été tués le 22 mars à proximité du camp de Rho, alors qu’ils cherchaient à manger. Image transmise par le conseil Hema via Président du site de déplacés Plaine Savo/BULE © Les Observateurs

Cette situation persiste, malgré nos efforts pour alerter le gouvernement pour dire qu’il faut protéger ces lieux de la Codeco.   

 Au cours du mois de mars et d’avril, plusieurs déplacés ont été tués aux abords des camps de RhO et de Plaine Savo, alors qu’ils étaient partis chercher de la nourriture dans les champs, selon les rapports de nos Observateurs. 

En février 2022, la Codeco a été accusée d'avoir tué plus de 60 personnes dans le camp de déplacés de Plaine Savo. Le 19 janvier 2023, sept personnes ont à nouveau perdu la vie lors d’une attaque attribuée à la Codeco dans ce même camp.  

Contacté par notre rédaction, un porte-parole de la Codeco affirme que le groupe n’est “à l’origine d’aucune attaque menée sur des civils en territoire de Djugu” et assure n’agir qu'au nom de la “légitime défense contre les attaques du groupe armé Zaïre Mapi” ciblant “la population Lendu”. Il affirme également que la Codeco est “très ouverte à toutes les démarches de paix pouvant apporté la paix dans l’Est du Congo, notamment en Ituri.”

En 2019, une enquête de notre rédaction avait documenté les massacres oubliés d’Ituri. Quatre ans plus tard, entre massacres, enlèvements, villages brûlés et bétail tué, la situation ne semble pas avoir évolué, et ce bien que l’Ituri soit, comme le Nord-Kivu voisin, en état de siège depuis 2021. 

Aux racines du conflit : une rivalité sanguinaire historique 

La Codeco dit agir au nom de la communauté “Lendu”, qu’elle entend défendre contre les “Hema”, peuple d’éleveurs nomades qui se sont installés historiquement plus tard dans la région.

Un groupe armé rival, les “Zaïre”, créé en réaction à la Codeco pour défendre les Hema, a également commis des massacres en Ituri en 2022. Ces deux groupes armés s’affrontent régulièrement, notamment au nom de représailles mais aussi pour le contrôle des mines d’or dans la région.

Ces 25 dernières années, la rivalité sanglante entre Lendu et Hema a fait de nombreuses victimes dans les deux camps, mais les racines du conflit sont encore plus anciennes, explique notre Observateur Alain Uaykani, journaliste en Ituri. Enfant, il avait lui-même été recruté dans une milice Hema.

Les Hema sont un peuple pasteur qui a migré [au 19e siècle, NDLR] dans la région des Grands Lacs. De leur côté, les Lendu considèrent qu’ils sont les autochtones et que les Hema ont pris leur terre. Quand Codeco attaque un village, ils s’en prennent donc aux maisons, aux champs, aux vaches… Toutes ces choses qui représentent la richesse, à leur yeux, des Hema. 

Une des vaches tuées et éventrée dans une ferme du territoire de Mahagi, le 18 mars 2023. Voler ou s’en prendre aux vaches est caractéristique de la Codeco.
Une des vaches tuées et éventrée dans une ferme du territoire de Mahagi, le 18 mars 2023. Voler ou s’en prendre aux vaches est caractéristique de la Codeco. © Les Observateurs

Cela fait des générations que ça dure. On a grandi en entendant : “vous devez vous défendre parce que ces gens-là [les Lendu] veulent vous exterminer”. C’est ce qu’on disait pour nous recruter petits. 

La Codeco aujourd’hui est différente des milices Lendu que j’ai affrontées en tant qu’enfant soldat dans les années 2000. Ils ont plus de pouvoir, ont pris le contrôle de mines d’or.

Mais ils n’ont plus vraiment de chaîne de commandement, de ligne politique, etc. Ce manque de structure rend difficile leur contrôle. Aujourd’hui, ce sont des voyous qui n’écoutent personne, seulement cette motivation de revanche envers les Hema.

“ La progression des Codeco est quasiment parallèle au nombre de conflits entre mineurs artisanaux”

Pour nos Observateurs appartenant à la communauté Hema, aucun doute : toutes les actions de la Codeco ont pour origine le conflit ethnique avec les Lendu. Cependant, plusieurs éléments montrent également le rôle des facteurs sociaux-économiques propres à la région. Il y a par exemple le fait que la milice ait fait des victimes à Mahagi, territoire où ne vivent pas les Hema mais qui est un carrefour commercial avec l’Ouganda. Et la région d’influence de la Codeco, le territoire de Djugu, compte de nombreuses mines d’or.

Guillaume de Brier est chercheur pour l’IPIS, un institut indépendant de recherche belge. Il documente depuis plusieurs années les exactions liées au secteur minier dans l’est de la RD Congo.

On est dans une région isolée où la présence de l'État se limite à des agents impayés où leur mission n'est plus assurée. Il y a de nombreux conflits entre mineurs artisanaux, liés notamment aux délimitations des mines, quand deux puits sont trop près, et que les galeries se rencontrent par exemple, ou quand des chefferies revendiquent telle ou telle zone. 

La fermeture d'un puits ou d'une mine est un moyen pour un acteur de montrer sa puissance sur la population. Cet acteur peut être un agent d'un service étatique qui veut les punir de ne pas payer une taxe, mais cela peut aussi être un groupe armé non-étatique, l'armée. Quand cela arrive, on se retrouve avec près de 400 personnes sans travail du jour au lendemain.

Et les Codeco parviennent à être un catalyseur de tous les mineurs qui ne peuvent plus travailler, à cause de la fermeture de leurs mines.

Capture d’écran de la carte interactive de l’IPIS, ici centrée sur le territoire de Djugu, recensant les sites miniers d'or, entre 2009 et 2022.
Capture d’écran de la carte interactive de l’IPIS, ici centrée sur le territoire de Djugu, recensant les sites miniers d'or, entre 2009 et 2022. © IPIS

La progression des Codeco est quasiment parallèle au nombre de conflits entre mineurs artisanaux. L’IPIS avait ainsi constaté en 2021 que quand le nombre de fermetures de mines par le ministère provincial augmentait, les recrutements de la Codeco augmentaient aussi. Pour beaucoup d’entre eux, sans diplômes et sans terre, il y a presque un appel à entrer dans la Codeco pour gagner le respect par les armes. 

On entend souvent qu’il s’agit d’un conflit ethnique. Mais je pense que le vrai problème c’est l’accès à la propriété des terres. La dimension identitaire renforce le conflit et attise les haines.  Pendant très longtemps, les Lendu étaient les travailleurs des Hema [dans les territoires agricoles, NDLR]. L’identité attise les violences à court terme, mais pour trouver une solution à long terme, il faut trouver un remède à la situation socio-économique dans la région.   

“Les Codeco sont un groupe extrêmement disparate”

Des membres de la Codeco étaient dans un premier temps intégrés dans le processus de paix de Nairobi en 2022, des pourparlers qui incluaient de nombreux groupes rebelles armés, avec la médiation du Kenya, dans le but d’apaiser les tensions dans l’est de la RD Congo et dont la troisième phase de discussion a eu lieu en novembre et décembre 2022. Face à la persistance des massacres sur le territoire de Djugu, le président congolais, Félix Tshisekedi, a déclaré, dans un discours aux Nations unies à Genève fin février 2023, que la Codeco (et le M23) s’étaient “exclus du processus de paix”. 

Les engagements de la Codeco dans les pourparlers ne sont pas forcément gage de paix selon nos Observateurs, tant il est très difficile d’identifier les interlocuteurs et la hiérarchie du groupe.  

Eliora Henzler, coordinatrice du Baromètre sécuritaire du Kivu qui documente les conflits armés dans l’est du pays, estime que suivre les attaques de la Codeco ainsi que les pourparlers avec le groupe requiert beaucoup de prudence :

Les Codeco sont un groupe disparate. Ils sont issus de la communauté, à la limite entre autodéfense et le groupe armé. Ils sont éparpillés dans plusieurs factions, dans plusieurs vallées.

Pour répertorier les massacres, on reste très prudent sur l’acteur, on regarde du côté des revendications, de la zone géographique aussi [le territoire de Djugu pour la Codeco]. Pour certains incidents, des gens [vous] disent “ce sont nos petits”, ils les connaissent, ils viennent du village d’en face. 

En Ituri, 485 civils ont été tués entre début décembre et la mi-mars, selon le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

En plus de la Codeco, les ADF, groupe terroriste affilié à l’État islamique, sévit aussi dans la région. Les conflits armés et massacres ont déjà fait plus de 2 millions de déplacés en Ituri, qui est placée en état de siège depuis mai 2021

France 24

 

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