Le parlement de la République démocratique du Congo (RDC), en tant qu’autorité budgétaire, est au cœur d’un scandale financier, avec des dépenses opaques de plus de de 298,9 millions $ entre 2021 et 2023, soit 3% du budget de l'État. Ceci ressort d’un rapport intitulé «biface du parlement congolais, un contrôleur à contrôler », rendu public ce jeudi 9 mai par le Centre de recherches en dépenses publiques et développement local (CREFDL), dont l’une des missions est le suivi budgétaire et l’engagement citoyen.
« Ce montant représente le volume des dépenses non autorisées. Faute d’un rapport explicatif des dépenses », a indiqué Valéry Madianga, chercheur en finances publiques et coordinateur du CREFDL, lors de la présentation de ce rapport à Kinshasa.
Des véhicules surfacturés
A en croire le CREFDL, en 2022, la chambre basse du parlement a dépensé 90,2 millions $ pour 26 bus dont 12 de 30 places assises, marque COASTER affectés au transport du personnel administratif et 14 minibus destinés au transport des Directeurs des services. Or, la prévision pour l’achat de ces véhicules était de 4,5 millions $, soit un dépassement de budget de 2 000%. Le prix de ces véhicules semble largement surestimé, d'autant plus qu'elle n’a pas respecté les règles en la matière relatives aux dépenses publiques. « Se référant aux prix fixés par différents fournisseurs des véhicules en RDC, le montant de 90 millions USD paraît surestimer pour couvrir les dépenses de 26 bus, même si on y ajoute les prélèvements fiscaux et les frais de transport », a indiqué Valéry Madianga, chercheur en finances publiques et coordinateur national du CREFDL, qui a présenté le rapport.
Pour ce qui est du sénat, il a dépensé en 2022, 422 893 $ pour des véhicules, soit un dépassement de budget de 11%. Le montant total payé pour ces véhicules est supérieur à celui figurant dans le marché initial, sans explication du ministère des Finances.
Des projets opaques de construction du dépôt d'archives et du centre médical
Le CREFDL a également enquêté sur un projet de construction de dépôt d'archives du Parlement pour lequel le Sénat a reçu 82 242 $. Le marché a été attribué à l'entreprise ETISAC SPRL pour un montant de 63 518 $. Cependant, le CREFDL a constaté un écart de 18 723 $ entre le montant payé et celui figurant dans le marché. « L’absence d’un avenant soulève des doutes quant à la crédibilité dudit marché. Interrogés sur la localisation de ce dépôt d’archives, aucun administratif du sénat n’a déclaré être au courant de cette construction », note ce rapport.
Dans son rapport, le CREFDL exprime également son inquiétude autour de la construction de deux bâtiments destinés à abriter certains services de l'administration et les bureaux de commissions permanentes de l'assemblée nationale. « Un montant de 4,1 millions USD a été utilisé contre une prévision de 5,1 millions $, soit 80,38% d’exécution », Valéry Madianga, avant d’ajouter :
« Les entretiens effectués avec le personnel administratif du parlement révèlent qu’une parcelle avec maison aurait été achetée au quartier Beau-vent dans la commune de Lingwala. Le prix, la procédure d’achat et l’adresse physique sont tenus au secret. Malgré le décaissement de ces fonds par le trésor public, les bureaux des commissions sont toujours locataires ».
Ce rapport documente plusieurs autres pratiques malveillantes de la gestion des dépenses publiques au parlement de la RDC. Pour y remédier, le CREFDL recommande notamment au président de la république de renforcer le rôle de l'Inspection générale des finances (IGF) et de la cour des comptes pour auditer les fonds spéciaux, les achats de véhicules et de bâtiments, le dispensaire et les archives. Au gouvernement, cette structure recommande de détailler et clarifier les lignes budgétaires « fonds spéciaux d'intervention » et « autre personnel ».
Bruno Nsaka / actualite.cd
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