Une embarcation policière était bien visible devant le pétrolier Grace 1, jeudi, au large de Gibraltar.
PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / AAP/MARCOS MORENO
L’Iran menace d'intercepter un pétrolier britannique en représailles à l’arraisonnement d’un de ses propres pétroliers par la marine britannique au large de Gibraltar, alimentant du coup les tensions dans le détroit d'Ormuz.
C’est du moins l'idée lancée vendredi sur Twitter par un dirigeant iranien ultraconservateur, Mohsen Rezaï, un ancien commandant des Gardiens de la révolution devenu secrétaire du Conseil de discernement, un poste-clé dans le système politique de la République islamique.
Si la Grande-Bretagne ne laisse pas repartir le pétrolier iranien, il sera du devoir des autorités de saisir un pétrolier britannique. En 40 ans d'histoire, l'Iran islamique n'a jamais déclenché les hostilités dans aucune bataille, mais n'a jamais hésité non plus à répondre aux intimidations.
Le pétrolier iranien Grace 1 a été arraisonné jeudi au large de Gibraltar, territoire britannique situé au sud de l’Espagne, à la demande des États-Unis, selon le gouvernement espagnol.
La publication spécialisée dans le transport maritime Lloyd's List dit qu’il a été chargé en Iran en avril et qu'il se dirigeait vers la Syrie. Téhéran est un allié traditionnel de Damas, et y a dépêché des combattants dans le cadre de la guerre civile qui déchire le pays depuis 2011.
Selon Marine Traffic, le Grace 1 a quitté les Émirats arabes unis le 13 mai et contourné l'Afrique plutôt que d'emprunter le canal de Suez, une route beaucoup plus courte pour se rendre en Syrie.
La firme Refinitiv, qui fournit des données aux marchés financiers, dit qu’il contient 2 millions de barils de pétrole brut.
Nous avons des raisons de croire que le Grace 1 amenait sa cargaison de pétrole brut à la raffinerie de Banias en Syrie, propriété d'une entité sujette aux sanctions de l'Union européenne (UE) contre la Syrie.
L'équipage du Grace 1 interrogé
Un porte-parole du gouvernement de Gibraltar affirme vendredi que les 28 membres d’équipage – des Indiens, des Pakistanais et des Ukrainiens notamment – sont interrogés à bord du navire par la police et les douaniers.
Ils sont considérés comme des témoins, et non comme des suspects, a-t-il précisé.
La Cour suprême de Gibraltar a pour sa part donné le feu vert vendredi à l'immobilisation du Grace 1 pour une période de 14 jours, soit jusqu'au 19 juillet, a fait savoir le procureur général du territoire britannique.
Plus tôt vendredi, les autorités iraniennes ont convoqué au ministère des Affaires étrangères l'ambassadeur britannique à Téhéran, Rob Macaire, pour exiger la libération immédiate
du pétrolier.
Elles ont fait valoir que son interception est inacceptable
, dans la mesure où il a été saisi à la demande des États-Unis, selon les informations actuellement disponibles
.
Insistant sur le fait que le pétrolier croisait dans les eaux internationales
, les Affaires étrangères ont dénoncé un acte de piraterie
et souligné que Londres n'a aucun droit d'imposer ses propres sanctions unilatérales ou celles de l'Union européenne (UE), de façon extraterritoriale contre les autres pays
.
Ce comportement est absolument identique à la politique brutale des États-Unis contre laquelle les pays européens ont toujours protesté
, a dit le ministère, en soulignant avoir remis à l'ambassadeur des documents sur le pétrolier et sa cargaison montrant que l'acheminement du navire était parfaitement légal
.
Un arraisonnement qui réjouit Washington et Londres
Washington, engagé dans un nouveau bras de fer avec l'Iran depuis que le président Trump a décidé de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien, n’a pas confirmé être à l’origine de l’affaire. Son conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, s’en est cependant ouvertement réjoui.
Excellente nouvelle. La Grande-Bretagne a arrêté le superpétrolier Grace 1 rempli de pétrole iranien à destination de la Syrie en violations de sanctions de l’UE. Les États-Unis et nos alliés vont continuer d’empêcher les régimes de Téhéran et de Damas de profiter de ce commerce illicite.
Le ministère britannique des Affaires étrangères a quant à lui salué une action ferme des autorités de Gibraltar qui ont agi pour faire respecter le régime européen de sanctions à l'encontre de la Syrie
.
L'arraisonnement du Grace 1 intervient quelques jours après l'annonce du dépassement par Téhéran de la limite imposée à ses réserves d'uranium faiblement enrichi par l'accord sur le nucléaire iranien.
Il survient en outre sur fond de tensions exacerbées avec Washington qui font craindre un embrasement dans la région du Golfe, même si l’administration Trump et le régime iranien disent tous deux qu’ils ne veulent pas être entraînés dans un conflit armé.
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a assuré à la mi-juin que les États-Unis garantiraient le passage par le stratégique détroit d'Ormuz. Un tiers du pétrole mondial transporté par la mer transite par cet étroit passage situé entre le golfe Persique et la mer d'Oman.
Quelques jours plus tard, le président américain Donald Trump a envisagé une frappe aérienne contre l’Iran, après qu'un drone de l'armée américaine eut été abattu par l'Iran. Il dit s’être rétracté à la dernière minute pour éviter d’importantes pertes de vie humaine.
Ce printemps, six pétroliers ont été attaqués près du détroit d’Ormuz, des attaques imputées à l’Iran par les États-Unis et l’Arabie saoudite. Les États-Unis ont continué de renforcer leur dispositif militaire au Moyen-Orient en conséquence.
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