Un pasteur sud-africain fait parler de lui depuis début 2015 en raison de ses pratiques loufoques : faire manger des rats et des serpents à ses fidèles, les déshabiller ou encore leur marcher dessus, le tout en prenant des photos diffusées ensuite sur internet. Des habitants de son quartier à Pretoria, qui considèrent ces rituels comme des actes de maltraitance envers les plus démunis, ont alors décidé d’incendier son église.
Le pasteur Penuel Mnguni est un extraterrestre dans le paysage religieux sud-africain. Il est à la tête d’une congrégation chrétienne évangélique, "l’Église de la fin des temps", située dans le quartier Soshanguve, un bidonville du nord-ouest de Pretoria. Depuis le début de l’année 2015, il fait régulièrement la une des médias sud-africains pour ses rituels saugrenus : il déshabille ses fidèles pour les "laver de leurs péchés", leur saute dessus à pieds joints, ou encore leur donne à manger du papier toilette "au goût de chocolat". "L’église" diffuse fièrement chacun de ces "miracles" sur son compte Facebook.
Pour les résidents du quartier Soshanguve, l’impunité avait assez duré. Dimanche 9 aout, certains d’entre eux, accompagnés de militants des "Combattants pour la liberté économique" (EFF, un parti anticapitaliste et panafricaniste fondé par Julius Malema, un homme politique sulfureux exclu de l’ANC en 2012 pour ses propos sur les Blancs sud-africains) ont décidé de se rendre sur le lieu de prière habituel de la congrégation.
Ils souhaitaient y retrouver le pasteur pour le forcer à manger des rats et des serpents. Ne le trouvant pas sur place, ils n’ont pas hésité à brûler les tentes faisant office d’église, provoquant des échauffourées avec les fidèles.
Photo prise par un étudiant de l'université de Tshwane lors de l'attaque du lieu de prière de la congrégation. Avec l'aimable autorisation de Hilke Steenkamp.
"Cette église cache des problèmes plus profonds dans ce bidonville"
Hilke Steenkamp
La jeune étudiante a eu très peur, des membres de l’église ont croqué ses nattes à plusieurs reprise. Mais elle a finalement décidé de ne pas porter plainte [elle a expliqué dans une interview a une chaine sud-africaine ne pas avoir été blessée et vouloir laisser cet événement "derrière elle "NDLR]. L’étudiante habite à une quinzaine de kilomètres de Soshanguve, et même si cette congrégation n’a pas beaucoup de fidèles [leur nombre est estimé entre 100 et 200, NDLR], son pouvoir de nuisance est localement important.
On a été un peu surpris que l’affaire soit autant relayée dans les médias nationaux, même si elle a un potentiel viral très fort. Pour moi, cet événement révèle surtout les tensions qu’il existe dans cette banlieue de Pretoria où la misère est concentrée. Parler de cette "église ", c’est un peu l’arbre qui cache la forêt de problèmes économiques et sociaux plus profonds : accès rudimentaire à l’électricité dans des maisons insalubres, des problèmes d’accès à l’eau et évidemment d’emploi. Cette congrégation, aussi farfelue soit-elle, apporte une réponse à des personnes qui attendent "un miracle" dans leur vie.
"Nous pensons qu’il y a beaucoup d’autres pasteurs moins médiatiques qui agissent de la même façon"
Malusi Mpumlwana
Si le pasteur Penuel n’a toujours pas été inquiété, c’est en vertu de la Constitution sud-africaine qui autorise la liberté de culte et de croyance, et l’absence de preuve de comportement criminel. Une situation qui fait grincer des dents au Conseil national œcuménique, dont l’évêque Malusi Mpumlwana est membre.
Si ce pasteur veut démarrer une nouvelle religion, basée sur l’ingurgitation de souris et de serpents, c’est son droit, mais pour l’heure, il le fait sur la base de la foi chrétienne ! L’exemple de Penuel n’est malheureusement pas le seul cas. En septembre dernier, un pasteur de Durban [considéré comme le maître à penser de Penuel, NDLR] avait ordonné à ses fidèles de brouter de l’herbe.
Nous pensons qu’il y a probablement d’autres pasteurs farfelus, mais moins médiatiques, qui profitent de la faiblesse des plus pauvres, pour attirer de nouveaux fidèles et s’enrichir [l’église du pasteur de Soshanguve ne requiert pas de droit d’entrée, mais fonctionne sur le principe du don ; le pasteur a par ailleurs dit à des journalistes qu’il faudrait le payer 100 000 rands (7 000 euros) pour l’interviewer, NDLR].
Pour l’heure, le "pasteur au serpent", bien qu’il se fasse discret depuis l’incident, va pouvoir continuer à exercer, faute de plainte déposée contre lui. La police sud-africaine a pour sa part annoncé avoir ouvert une enquête pour retrouver les présumés militants de l’EFF impliqués dans l’incendie de la tente. Le parti a quant a lui rejeté sa responsabilité pour le sinistre.
Malgré les échauffourées qui ont détruit la tente où ils se rassemblent, les fidèles de cette congrégation ont continué à prier dimanche 9 aout. Photo prise par un étudiant de l'Université technologique de Tshwane et avec l'aimable autorisation de Hilke Steenkamp.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à France 24.
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