Les sanctions américaines contre Cuba sont entrées en vigueur il y a soixante ans, jour pour jour. C’est le plus long régime de sanctions économiques au monde et c’est aussi celui dont les effets sont les plus controversés.
Car soixante ans après, le monde n’a plus grand-chose à voir avec le contexte de l’époque et pourtant l’embargo perdure. En 1962, c’est la Guerre froide ; les États-Unis voient avec effarement le nouveau régime révolutionnaire de Fidel Castro se rapprocher de l’Union soviétique. Sont alors décidées des sanctions, avec un but précis : détruire l’économie de l’île des Caraïbes pour rendre le régime impopulaire et ainsi le faire tomber. Un objectif raté, malgré les critiques internes et externes, malgré la disparition de Fidel Castro. Même les officiels Américains le reconnaissent ouvertement. Aux Nations unies, ce régime de sanctions est condamné à la quasi-unanimité.
Leur impact est désastreux sur l’économie cubaine.
La Havane estime que ces mesures lui ont coûté 150 milliards de dollars à ce jour. C'est sept fois le PIB cubain si on se réfère à la nouvelle comptabilité découlant de l'unification monétaire opérée en 2021. La facture s’est alourdie avec les lois Torricelli et surtout les lois Helms-Burton de 1996 qui transforment un régime bilatéral de sanctions en embargo international de facto. Puisque n’importe quel investisseur risque des poursuites américaines s’il fait des affaires avec des sociétés américaines nationalisées par Fidel Castro. Cela a immédiatement refroidi les investisseurs internationaux ; ce mouvement de repli s'est amplifié avec le durcissement engagé par Donald Trump.
Les sanctions américaines sont-elles la cause principale des difficultés économiques cubaines ?
Elles y ont largement contribué. À cause des sanctions, Cuba dépend beaucoup des pays amis. Mais leurs propres difficultés internes les contraignent les uns après les autres à revoir leur relation bilatérale. L'Union soviétique était le premier bailleur. Mais avec la chute du Mur, elle s'est brutalement désinvestie. Aujourd’hui c’est le Venezuela qui s’éloigne, le grand pourvoyeur de carburant limite ses expéditions parce qu’il est lui-même confronté à des pénuries intérieures. Mais les paramètres géopolitiques exacerbés par les sanctions n'expliquent pas eux seuls l’échec du modèle de développement économique.
Les sanctions auraient pu renforcer l’autonomie de l’île, sa souveraineté, mais cela n’a pas été le cas. Cuba dépend à 80% de l’extérieur pour couvrir ses besoins alimentaires, sachant que l'alimentation et les médicaments sont épargnés par les sanctions. Les réformes monétaires récentes visent à rendre l’économie plus transparente et donc plus prévisible, mais pour le moment, elles ont surtout fait grimper les prix et renforcé les pénuries, faute de liquidités suffisantes. Rendant ainsi la vie quotidienne des Cubains encore plus compliquée. Par ailleurs, Cuba souffre comme le reste du monde des conséquences de la pandémie. Là encore, cela n’a rien à voir avec les sanctions américaines.
Pourquoi ces sanctions perdurent alors qu'elles sont sans effet sur le régime ?
Barack Obama a tenté de le démanteler. Joe Biden n’a pas l’air pressé de reprendre la voie ouverte par le précédent président démocrate. L’action des différents présidents américains est souvent limitée par le Congrès qui a son mot à dire pour toute modification des lois Helms-Burton. C’est donc l’agenda électoral qui dicte la politique américaine des sanctions à l’égard de Cuba. Pour conserver les faveurs de la diaspora cubaine, les parlementaires comme le président renâclent à changer la donne. En Floride, le sénateur républicain Marco Rubio, lui-même descendant cubain, est un fervent partisan des sanctions, sa rivale démocrate en piste pour tenter de lui ravir son siège en novembre prochain s'est dite favorable à leur maintien.
Application de CComment' target='_blank'>CComment