En République démocratique du Congo (RDC), les combats entre l'armée de RDC et les membres du M23, groupe armé soutenu par le Rwanda, font toujours rage dans les environs de Goma,
Les affrontements ont repris, tôt ce dimanche matin 26 janvier, sur le front situé au nord de la capitale provinciale. Des détonations ont été entendues vers Kibati, à une dizaine de kilomètres de Goma, avec des mouvements de population qui quittent les camps de déplacés, présents dans le secteur, vers le centre-ville. Des détonations ont été entendus encore ce soir dans la ville, selon plusieurs témoins. La ville compte un million d'habitants et au moins autant de déplacés, selon l'Agence France Presse (AFP). Il y a aussi du monde au niveau des postes frontières avec le Rwanda.
« On ne laissera pas le M23 entrer à Goma », a déclaré lors d’un point presse, samedi soir, le porte-parole des forces armées congolaises, rappelle notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi. Le général Sylvain Ekenge assure que l’armée est déterminée à « repousser l'ennemi. C’est maintenant que la guerre commence », a-t-il répondu face à l’ultimatum de 48 heures donné, samedi, par le M23 aux FARDC.
« Vivre avec la peur au ventre », témoignage d’un habitant de Goma
Goma est encerclée par les combats, dans l'attente et dans la peur. La ville est à l'arrêt, les commerces sont fermés, l'eau et l'électricité coupées. C'est le témoignage de cet habitant qui pointe un autre problème, celui des déplacés qui vivent dans des camps non loin des combats et qui affluent massivement dans la ville pour se protéger, mais ils n'ont aucun lieu pour être accueillis. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha) parle de 300 000 personnes qui sont arrivées dans Goma, ces derniers jours. Dans la
C’est la panique générale. Les boutiques sont en train d’être fracassées, ce qui crée la terreur, et toutes sont fermées. Les déplacés qui étaient dans leurs camps, sont tous déversés vers Goma, sans aucune destination. Voyant tout cela, on se renferme dans nos maisons, on ne sait pas où aller, on ne sait pas comment se ravitailler en nourriture et en eau. Il n’y a pas d’électricité, on est dans le noir, il n’y a pas de courant. C’est grave, c’est tout ce que je peux vous dire. On ne sait vraiment pas quoi faire. Personnellement, j’attends qu’il y ait quand même des négociations, que tout cela finisse. Pouvez-vous imaginer une vie sans courant, sans eau, sans réseau ? C’est quasiment invivable. Tout ce que je veux, c’est qu’il y ait peut-être un communiqué qui va rassurer la population de Goma par rapport à la situation, pour que tout cela finisse. C’est tout ce dont nous avons besoin.
Kinshasa accuse le Rwanda d'avoir envoyé de nouvelles troupes en RDC, une « déclaration de guerre »
La ministre congolaise des Affaires étrangères s'est rendu à New York, au siège des Nations unies, pour participer à la réunion en urgence du Conseil de sécurité. Thérèse Wagner avait sollicité, vendredi 24 janvier, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité sur la situation dans l’est du pays. Initialement programmée lundi, cette réunion a été avancée à dimanche.
Les affrontements se poursuivent, « l’armée rwandaise a pénétré en plein jour sur notre sol », a déclaré devant le Conseil la cheffe de la diplomatie congolaise, évoquant les affrontements depuis ce matin au nord de Goma, ajoutant : « Une déclaration de guerre qui ne dit pas son nom ».
« Alors que je me tiens devant vous, une attaque d'une gravité inouïe se déroule sous les yeux du monde. De nouvelles troupes rwandaises ont franchi les bornes 12 et 13 du poste frontalier séparant Goma [en RDC] de Gisenyi [au Rwanda], pénétrant sur notre territoire en plein jour dans une violation ouverte et délibérée de notre souveraineté nationale. C'est une agression frontale, une déclaration de guerre qui ne se cache plus derrière des artifices diplomatiques », a déclaré Thérèse Kayikwamba Wagner devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
« Le Conseil de sécurité doit imposer des sanctions ciblées incluant le gel des avoirs et l'interdiction de voyager, non seulement contre les membres identifiés de la chaîne de commandement des forces armées rwandaises, mais aussi contre les décideurs politiques responsables de cette agression », a déclaré Thérèse Kayikwamba Wagner, réclamant également un « embargo total sur les exportations de tous les minerais étiquetés comme rwandais, en particulier le coltan et l'or »
La cheffe de la Monusco reconnaît la présence du M23 près de la base de Munigi, à la sortie nord de Goma
Lors de cette même réunion, la représentante onusienne à Kinshasa, Bintou Keita a reconnu la présence du M23 vers la base de la Monusco de Munigi à la sortie nord de Goma. Elle a aussi pressé le Conseil de sécurité d’agir vite, car selon elle, le M23 reçoit des renforts rwandais dans la zone de Goma.
Plusieurs pays membres ont pris la parole. « Les attaques contre la Monusco peuvent être considérés comme des crimes de guerre passibles de sanctions », a notamment déclaré l’ambassadeur britannique, le premier à avoir prononcé ce mot sanction, réclamée par la RDC. Il faisait référence aux militaires de la force onusienne tués et blessés ces derniers jours dans les combats. Des combats face au groupe M23, soutenu par le Rwanda, ont tenu à souligner plusieurs membres du Conseil, prenant en référence les différents rapports.
Des déclarations qui vont aussi dans le sens de celle du secrétaire général de l’ONU. Avant cette réunion, Antonio Guterres a pour la première fois appelé en le nommant le Rwanda à retirer ses troupes de RDC.
Le chef de l'ONU appelle les forces rwandaises à se retirer de la RDC
Le secrétaire général de l'ONU a appelé dimanche les forces rwandaises à se retirer du territoire de la République démocratique du Congo (RDC) et à cesser leur soutien au groupe antigouvernemental M23, la condamnation la plus claire à ce jour de sa part des actions de Kigali. Antonio Guterres, « profondément préoccupé par l'escalade de la violence », et « appelle en outre les Forces rwandaises de défense à cesser de soutenir le M23 et à se retirer du territoire de la RDC », selon un communiqué de son porte-parole.
Le secrétaire général avait jusqu'à présent fait référence aux conclusions d'un rapport de référence d'experts de l'ONU mettant en lumière le rôle de Kigali aux côtés du Mouvement du 23-Mars (M23), groupe antigouvernemental engagé dans des combats contre l'armée congolaise dans l'est du pays. Mais sans explicitement appeler les forces rwandaises à cesser leur soutien et à se retirer.
Pour expliquer ce durcissement du ton, une source sécuritaire estime que désormais « L’ONU ne peut plus fermer les yeux, ce ne sont pas rebelles, mais une armée qu’il y a en face ».
Les États-Unis condamnent « les hostilités du Rwanda et du M23 »
« Nous condamnons dans les termes les plus forts les hostilités du Rwanda et du M23 à Goma et les attaques contre Sake », non loin, a déclaré Dorothy Shea, ambassadrice par intérim.
« Nous appelons d'urgence à un cessez-le-feu », a ajouté l'ambassadrice américaine lors de la première déclaration sur ce dossier d'un représentant de l'administration de Donald Trump.
« L'utilisation par le Rwanda d'armements et de systèmes sophistiqués », notamment le blocage des signaux GPS, « interfère avec la réponse humanitaire, met en danger la (mission de maintien de la paix de l'ONU) Monusco et ceux qui fuient la violence », a-t-elle ajouté. « Ces actions doivent cesser immédiatement ». Elle a également dénoncé l'utilisation « indiscriminée » des tirs d'artillerie, appelant les dirigeants congolais, rwandais, et du M23, à « donner des ordres clairs de ne pas prendre les civils pour cible ». « Tous les acteurs doivent respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la RDC et mettre fin à toute forme de soutien aux groupes armés, qu'ils soient congolais ou étrangers », a-t-elle ajouté. « Les États-Unis envisageront tous les outils à leur disposition pour que les responsables de la poursuite du conflit armé, de l'instabilité et de l'insécurité en RDC, rendent des comptes », a-t-elle prévenu.
Kigali répond aux accusations : « Il y a un vrai problème concernant le Rwanda et sa sécurité »
Le Rwanda a indiqué dans la soirée se placer dans une « posture défensive durable », quelques heures après que l'ONU l'a expressément appelé à se retirer de cette région. « Ces combats près de la frontière rwandaise continuent de présenter une menace sérieuse à la sécurité du Rwanda et à son intégrité territoriale, et requièrent une posture défensive durable du Rwanda », a déclaré le ministère rwandais des Affaires étrangères dans un communiqué. Dans son communiqué, Kigali, qui n'a jamais explicitement reconnu une agression territoriale en RDC, réitère que le M23 est un problème congolais. « Le M23, un groupe rebelle congolais se battant pour protéger sa communauté dans l'est de la RDC, ne peut pas être accusé de violer "l'intégrité territoriale" de son propre pays », dit le texte.
Quand je vois le narratif mis en place par le gouvernement congolais, que le Rwanda soutient le M23, cela ne change en rien le vrai problème qui se passe là-bas. Il y a un vrai problème concernant le Rwanda et sa sécurité. D’ailleurs, c'est pour ça que le Rwanda a pris des mesures pour défendre ses frontières et protéger les Rwandais. Il y a un problème d’équilibrage. Si vous rédigez un communiqué et que vous prenez une position qui correspond au narratif mis en place par la RDC, on ne s’occupe pas des raisons pour lesquelles le Rwanda a des problèmes avec la RDC. Tant qu’on ne prend qu’une partie du problème, cela ne va pas résoudre ce problème qui se passe à l’est et cela fait 10-15 ans que cela se passe. Le Rwanda craindrait les sanctions si on ne lui donnait pas du temps pour expliquer réellement pourquoi il y a des problèmes. C’est pas parce que le gouvernement congolais fuit ses propres responsabilités par rapport à sa propre population, que d’autres n’ont pas des bonnes informations de ce qui se passe là-bas. Donc tant que le Rwanda pourra s’expliquer, on n’a pas à craindre ces sanctions.
Le Kenya annonce un sommet de la Communauté d'Afrique de l'Est, avec Tshisekedi et Kagame
Un sommet extraordinaire de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Est (EAC) dédié à la situation dans l'est de la RDC se tiendra « dans les prochaines 48 heures », a annoncé dimanche soir la présidence kényane. « Nous allons organiser un sommet extraordinaire de l'EAC dans les prochaines 48 heures pour délibérer sur cette crise et tracer une voix à suivre », a déclaré le président kényan William Ruto, remerciant les présidents Tshisekedi et Kagame pour « leur participation confirmée ».
Profonde inquiétude du coordonnateur humanitaire des Nations unies
Dans un communiqué diffusé, ce dimanche 26 janvier, Bruno Lemarquis qui dirige le Bureau de l'Ocha en RDC, appelle les parties au conflit à mettre un terme aux combats qui se déroulent dans des zones densément peuplées, notamment autour des camps de déplacés :
« Je voudrais exprimer ma profonde inquiétude face à l'intensification des combats en cours autour de la ville de Goma et leur impact croissant sur les populations civiles. La proximité des combats dans des zones densément peuplées et l'utilisation d'artillerie lourde expose les populations civiles à des risques intolérables. »
Au nom de la communauté humanitaire en République démocratique du Congo, j'appelle toutes les parties au conflit à mettre un terme immédiat à l'escalade militaire. Comme le secrétaire général des Nations unies l’a souligné, le 23 janvier 2025, une désescalade est indispensable. La Communauté humanitaire exhorte la communauté internationale à identifier ses efforts pour faire face à la crise humanitaire et sécuritaire qui s'aggrave rapidement. Il est également impératif de permettre la restauration des services de base dans la ville de Goma, notamment l'accès à l'eau, à l'électricité et aux soins de santé, afin de répondre aux besoins essentiels des populations touchées par le conflit.
Le coordonnateur humanitaire en RDC, Bruno Lemarquis
L’appel à l’aide de la société civile
Ce dimanche, depuis Goma, c'est la société civile qui a lancé un appel à l'aide aux autorités congolaises, mais également aux instances internationales pour contraindre les éléments de l'armée rwandaise et du M23 à quitter le territoire congolais.
« Au regard de la situation sécuritaire très précaire, suite à la poursuite des combats autour de la ville de Goma, et les violations graves des droits humains qui s'ensuivent, la coordination provinciale de la société civile exige, au gouvernement congolais, de se mobiliser pour protéger les civils, en organisant des opérations militaires très musclées pour libérer toutes les zones, sous l'emprise du M23, et rétablir l'énergie électrique dans la ville de Goma. La société civile exige également aux Nations unies, États-Unis d'Amérique, Union européenne et Union africaine d'agir à l'unisson pour contraindre les autorités rwandaises à retirer leur armée et ses supplétifs sur le sol congolais », a déclaré, à RFI, John Banyene Balingene qui préside la coordination de la société civile de la province du Nord-Kivu.
rfi
Application de CComment' target='_blank'>CComment