Maluku
RDC
Alors que le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, est appelé à répondre à la question orale du député national Toussaint Alongo, au sujet de la fosse commune de Maluku, à une date qui reste à préciser, l’Hôtel de Ville vient de jeter un pavé dans la mare. En effet, au cours d’une conférence de presse qu’il a animée hier mardi 07 avril 2015, le ministre provincial de Kinshasa chargé du Budget, du Plan, des Travaux Publics et des Infrastructures, Robert Luzolanu, a laissé entendre que l’enterrement des indigents et inconnus dans des fosses commune fait partie d’une « pratique ordinaire » au niveau de l’administration urbaine.
A l’en croire, l’Hôtel de Ville de Kinshasa s’est chargé de l’inhumation d’un total de 524 personnes au courant de l’année 2014, soit 83 le 02 avril 2014, 343 le 08 juin 2014 et 98 le 21 décembre 2014. Parlant de la fosse commune de Maluku, le même membre du gouvernement provincial de Kinshasa a donné le chiffre de 421 corps, inhumés le 19 mars 2015. Il s’agissait, selon lui, de 300 mort-nés et fœtus abandonnés, 23 corps abandonnés, 64 personnes non identifiées car dépourvues de pièces d’identité et 34 personnes dont les familles étaient incapables de supporter les frais funéraires.
Robert Luzolanu n’a pas précisé dans quel cimetière de la capitale étaient enterrés les 524 corps de l’exercice 2014. On note, d’emblée, que le bilan des « indigents » ou mort-nés inhumés à Kinshasa à l’insu de la majorité de la population ces deux dernières années s’élève à 524 + 421 = 945. S’il faut prendre cet officiel au mot, à savoir que le recours aux fosses communes relève d’une « pratique ordinaire », les observateurs peuvent être tentés de lui demander les statistiques du mandat du gouverneur André Kimbuta, en poste depuis 2007.
Puisque l’heure semble être à la transparence, il devrait revisiter les archives urbaines et fixer l’opinion kinoise sur le nombre de personnes enterrées dans des conditions et circonstances inconnues du grand nombre car sans ressources, sans adresses, sans identité ou abandonnées par leurs familles.
Un nouveau dossier dans le dossier de Maluku
Bref, en attendant que le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur ne se présente devant les députés nationaux et la Nation tout entière pour donner d’amples détails sur les 425 corps (selon le gouvernement national) et 421 corps (selon le gouvernement provincial de Kinshasa), jetés dans une fosse commune à Maluku il y a deux semaines, un nouveau dossier vient de s’inviter au dossier principal.
L’opinion kinoise peut constater qu’à l’instar de la fosse commune de Maluku, aucune publicité préalable n’avait entouré l’inhumation, par l’Hôtel de Ville, de 435 personnes en 2014. Quant à des centaines de kinoises et kinois qui auraient peut-être subis le même sort en 2013, 2012, 2011, 2010, 2009, 2008 ou 2007, il appartient à Robert Luzolanu de lever les équivoques.
Vers une « interpellation jumelée » ?
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D’aucuns se demandent si le ministre kinois du Budget, du Plan, des Travaux Publics et des Infrastructures ne devrait pas accompagner Evariste Boshab à l’Assemblée Nationale, afin qu’à deux, ils puissent éclairer la représentation nationale, et par leur biais, la Nation, sur une « pratique ordinaire » qui a ceci d’anormal qu’elle comprend tous les ingrédients de l’opacité et de la clandestinité. Une prestation commune des deux « ministres » à l’hémicycle de Lingwala aurait le mérite d’évacuer tous les points noirs qui touchent à une affaire qui a provoqué un terrible choc chez les nationaux comme les expatriés résidant à Kinshasa. Il est à espérer que Robert Luzolanu a bien pesé ses mots avant de risquer une sortie médiatique qui vient d’imprimer un relief particulier à l’énigme de la fosse commune de Maluku.
Kinoises et Kinois veulent savoir…
Au vu du lourd bilan présenté par le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur ainsi que le ministre provincial du Budget, du Plan, des Travaux Publics et des Infrastructures, les Kinoises et Kinois veulent savoir combien de corps ont réellement été enfouis dans la fosse commune du cimetière « Fula-fula », à Maluku et combien enterrés, dans des sites non précisés, l’année dernière ou les années antérieures. A l’heure des explications officielles, ils seraient curieux de connaître le nombre de mort-nés de sexe masculin ou féminin, d’hommes et de femmes mis en terre à l’insu de la communauté.
Toujours au chapitre des interrogations, ils sont curieux de connaître les causes ayant entraîné les décès de ces 856 personnes : accident de circulation, maladie, chagrin, bavures policières, attaque à main armée, agression de « Kuluna », torture, suicide, noyade, etc. Il est à espérer que des bulletins médicaux de ces inconnus seraient disponibles au niveau des morgues ayant requis leur inhumation.
Enfin, plus d’un continue de se demander si le gouvernement central et le gouvernement provincial de Kinshasa manquent des moyens pour inhumer, dans la dignité, 945 concitoyens. En prenant une moyenne de 200 dollars par personne, la dépense totale serait inférieure à 200.000 dollars américains. Dans le cas d’une trésorerie nationale et kinoise au rouge, on aurait pu lancer des appels des fonds auprès de nombreux ministres, parlementaires, mandataires publics et opérateurs économiques passés maîtres dans le paiement des factures d’hospitalisation des indigents dans les formations médicales de la place.
Fâcheux précédent
La fosse commune de Maluku constitue un fâcheux précédent dans cette ville où des familles continuent de chercher, voici des années et des mois, des proches parents portés disparus et dont la mort n’a jamais été officiellement confirmée. Avec les révélations du ministre provincial du Budget, du Plan, des Travaux Publics et des Infrastructures, elles seraient en droit de lui adresser des mémos en vue d’obtenir d’éventuels renseignements sur ce qui leur serait arrivé à leur insu. Ceux qui continuent de porter le deuil pour des êtres chers devenus invisibles depuis des lustres devraient le suspendre et attendre une possible éclaircie du côté de l’Hôtel de Ville. Une opération d’exhumation des corps pourrait peut-être ôter le doute qui habite encore de nombreux veufs et veuves, orphelins et orphelines restés sans nouvelles de leurs proches depuis des mois et des années.
Kimp / Le phare
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