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AFRIQUE

L'actualité de la semaine en Afrique

Au Soudan, dix jours après le coup d’Etat militaire, la pression internationale monte en faveur d’un retour rapide du gouvernement dirigé par des civils. Mercredi, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis se sont joints aux États-Unis pour faire pression sur les généraux sur la base d’une déclaration commune. La situation au Soudan inquiète les Soudanais à l’image de Mo Ibrahim, entrepreneur milliardaire et président fondateur de la Fondation Mo Ibrahim à Londres. Il dénonce la mainmise des militaires sur le pays.

RFI : Que vous inspire ce coup d'État ?

Mo Ibrahim : Ce coup d’Etat est vraiment triste, mais ce n'était pas une surprise. Au Soudan, les militaires constituent ce que j’appelle une « société », qui comprend l’armée, les forces de soutien rapide dirigées par le général Hemedti, et également les forces de sécurité et les services de renseignement. Ces gens-là contrôlent entre 70 à 80% des ressources du pays : les mines, les commerces, les institutions financières… Ils ont des intérêts économiques énormes. Tout cela était menacé car l’un des objectifs du gouvernement d’Hamdok était de rendre à l’État la propriété de ces ressources pillées

La pression internationale, on l'a dit, s'accélère, est-elle suffisante ?

Je pense que la réponse de la communauté internationale en condamnant le coup d’État et en suspendant l’aide à ces personnes a été raisonnable, mais je pense qu’il faut des sanctions ciblées. Car ces gens-là ne s’intéressent qu’à l’argent.

Nous devrions menacer les intérêts économiques de tous ces généraux, tout le monde sait où se trouve leur argent, dans les États du Golfe, la Turquie, la Malaisie… C’est donc possible de tracer ces flux financiers et d’annoncer que leurs avoirs seront gelés et qu'ils seront une cible pour la CPI. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils comprendront que leur prospérité et sécurité personnelles sont en jeu. 

À Khartoum, on parle de l'influence des pays du Golfe sur les généraux pour expliquer le coup d'État militaire. Les Émirats et l'Arabie saoudite se sont désormais rangés du côté des Américains, mais pas l'Égypte. Quel message adresseriez-vous au Caire ?

Mon message est celui-ci : ne sacrifiez pas le peuple pour quelques généraux erratiques. Nous devons également rappeler à nos frères égyptiens qu’ils ont commis une grave erreur en étant le premier pays à reconnaître Omar el-Béchir après son coup d’État militaire. Ils ont découvert plus tard qu’il s’agissait en fait d’un coup d’État monté par des représentants des Frères musulmans. Ici encore, nous constatons qu’après ce nouveau coup d’État, tous ces dirigeants islamistes ont été libérés de prison. S’il vous plaît, ne faites pas quelque chose aujourd’hui que vous risquez de regretter plus tard. 

Des dizaines de milliers des Soudanais ont manifesté à deux reprises en octobre pour dire « Oui » à un pouvoir 100% civil. Un partage du pouvoir avec les militaires est-il encore possible ?

Eh bien, je dois être optimiste, je ne peux pas me permettre d’être pessimiste. Le Soudan a connu une très triste histoire. Nous avons obtenu notre indépendance en 1956, il y a 65 ans environ, et pour une majeure partie de cette période, nous avons été dirigés par une dictature militaire : d’abord par le général Abboud, puis le général Nimeiry, le général Béchir, et aujourd’hui les généraux Hemedti et Burhan. Les gens en ont assez. Nous avons besoin d’une armée professionnelle qui défende le pays, et qui soit soumise à un contrôle civil. C’est la façon normale de gouverner un pays. Ce sera une tâche difficile maintenant de vraiment repositionner cette armée.

Comment voyez-vous une sortie de crise ?  

Je pense que c'est très simple, les Soudanais recherchent vraiment la liberté et la démocratie. C'est un droit humain fondamental et nous ne devrions pas en être privés. On ne devrait pas nous le refuser.

 

RFI

 

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