Goodluck Jonathan
Dans son 4x4 citadin, Yemi s’impatiente face au portail que le gardien tarde à ouvrir. « Ils ont installé ces grilles depuis quelques jours dans le quartier, en cas de problèmes pendant les élections, explique la jeune femme, qui vit dans un secteur cossu de Lagos. On voit des camions militaires passer régulièrement devant la maison du chef de l’opposition, c’est ridicule. »
La tension monte à l’approche du scrutin du samedi 28 mars, car jamais une élection présidentielle n’a semblé aussi serrée depuis le retour au pouvoir des civils en 1999. Le président sortant Goodluck Jonathan affronte Muhammadu Buhari, soutenu par l’union de quatre partis de l’opposition, une première. Ce matin à Abuja, la capitale politique, les deux favoris se sont rencontrés à huis clos avant de signer un nouvel accord de paix. Un rendez-vous organisé par le comite national pour la paix pour les élections générales de 2015.
« J’ai fait des provisions et mis de côté du fuel pour mon générateur, on ne sait jamais ce qui peut se passer », s’inquiète Joseph qui habite dans un quartier déshérité de Lagos.
Les frontières maritimes et terrestres ont été fermées, et la police a annoncé l’interdiction aux véhicules de circuler le jour du vote. « On a vu ces bandits armés de machettes et de couteaux autour des meetings politiques, ce n’est pas bon signe », ajoute Joseph.
Le couvre-feu
Beaucoup ont encore en souvenir le millier de morts provoqué par la victoire de Goodluck Jonathan sur Muhammadu Buhari, déjà opposés en 2011. Au début de la campagne de 2015, une soixantaine de personnes ont déjà été tuées.
La question de la présence de soldats dans les rues et autour des bureaux de vote le jour du scrutin est vivement débattue. Plusieurs juges fédéraux l’ont interdite, comme à Lagos, mais certaines sources sécuritaires assurent que c’est bien l’armée qui sera chargée de mettre en œuvre ce couvre-feu. La police encourage les électeurs à quitter les bureaux de vote juste après avoir mis leur bulletin dans l’urne par crainte de débordements, alors que la commission électorale et le principal parti de l’opposition veulent qu’ils restent jusqu’au dépouillement, par souci de transparence.
« Je sais qu’ils vont tricher comme en 2011 », regrette Sani, chauffeur de taxi à Abuja. Les radios relaient sans cesse des messages appelant à la paix, à la non-violence, au respect du processus électoral. Les deux principaux candidats s’affrontent par communiqués interposés en « unes » des journaux, lançant des rumeurs sur tous les malheurs qui arriveraient au pays si l’adversaire était élu, mais aussi mettant en cause l’impartialité de la commission électorale indépendante.
Coup d’Etat
Dans cette atmosphère de suspicion, certains observateurs s’inquiètent de la capacité du perdant à accepter la proclamation des résultats. Mercredi, Olusegun Obasanjo a même mis en garde contre toute tentative de coup d’Etat militaire, une habitude dans le pays qui a connu une succession de putschs et 28 ans de dictature militaire après son indépendance. L’ancien président sait de quoi il parle : il est lui-même général, et l’unique militaire à avoir rendu le pouvoir aux civils dans l’histoire du Nigeria.
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