Les États-Unis ont accusé cette semaine la Chine d’envisager de fournir des armes à la Russie pour appuyer son offensive en Ukraine, ce que dément Pékin.
POURQUOI UNE TELLE AFFIRMATION DE LA PART DE WASHINGTON?
Depuis le début de la guerre, la Chine a offert au président russe Vladimir Poutine son soutien financier et diplomatique, évitant l’envoi d’armes ou toute implication militaire manifeste.
Des firmes chinoises contrôlées par l’État ont vendu des drones et autres équipements à la Russie et à l’Ukraine, mais Moscou a dû se tourner vers l’Iran pour obtenir des armes indispensables, comme les drones de combat.
Selon Washington, la Corée du Nord a également fourni des roquettes et des obus d’artillerie à la Russie.
Et les États-Unis craignent désormais que Pékin fasse de même. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a réitéré lundi sa mise en garde, après avoir averti dimanche que la Chine envisageait de fournir des armes à la Russie, à l’issue d’une rencontre avec son homologue chinois, Wang Yi à Munich, en marge de la Conférence sur la sécurité.
«Nous avons parlé de la guerre menée par la Russie et des inquiétudes que nous avons quant au fait que la Chine envisage de fournir un soutien létal à la Russie», a-t-il dit sur CBS.
M. Blinken n’a fourni aucune preuve pour appuyer cette affirmation – et ses détracteurs rappelleront les erreurs passées des services de renseignement américains –, mais elle fait partie des informations délicates communiquées par Washington pour devancer et perturber les plans de guerre russes.
«Le fait que M. Blinken ait choisi de rendre publiques ces préoccupations suggère que les États-Unis disposent de renseignements solides», estime Richard McGregor, chercheur spécialisé de l’Asie de l’Est à l’Institut Lowy de Sydney.
Celles-ci ont été qualifiées de «fausses informations» par Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
POURQUOI LES ÉTATS-UNIS SONT-ILS PRÉOCCUPÉS?
Un afflux d’armes en provenance de Chine «rebattrait les cartes» du conflit en Ukraine, a fait valoir auprès de l’AFP Mick Ryan, ancien stratège et général de l’armée australienne aujourd’hui à la retraite.
«C’est une guerre de systèmes industriels. Pour le moment, la Russie est [à la traîne par rapport à] l’Occident. Si la Chine s’implique, tout avantage que l’Ukraine avait grâce à la capacité industrielle de l’Occident disparaît instantanément», a-t-il exposé.
Les «munitions chinoises rendraient la vie très difficile aux Ukrainiens, qu’il s’agisse de munitions d’artillerie, de munitions de précision ou d’armes de frappe à plus longue portée, dont la Russie est à court».
Car depuis le début de l’invasion russe, la Russie peine à rassembler suffisamment de personnel, de munitions et d’armes, ce qui explique son enlisement face à la résistance ukrainienne. Cet état de fait a poussé Vladimir Poutine à recourir à une conscription massive, à des groupes mercenaires et aux importations.
Pendant ce temps, l’Ukraine a réussi à arrêter l’avancée russe, et même à prendre le dessus. Mais certains experts estiment que la guerre se trouve à un point d’inflexion, chaque camp s’arrachant les ressources et cherchant à remporter des gains décisifs à mesure que le printemps approche.
POURQUOI LA CHINE S’IMPLIQUERAIT-ELLE?
Le commentateur militaire chinois Song Zhongping a affirmé que la Chine n’enverrait pas d’armes à la Russie, tout en soulignant que la coopération politique, commerciale et militaire entre Moscou et Pékin s’était accrue avant même le début de la guerre en Ukraine et que cette tendance allait se poursuivre.
«La Chine n’écoutera pas les demandes des États-Unis. Elle renforcera sa coopération avec la Russie conformément à sa propre volonté nationale et à ses préoccupations en matière de sécurité nationale», a-t-il asséné.
De nombreux experts estiment qu’il y a un enjeu plus important et que l’Ukraine est en train de se transformer en guerre par procuration digne de l’époque de la Guerre froide.
Pour Alexey Muraviev, professeur d’études stratégiques et de sécurité à l’Université Curtin, à Perth en Australie, «la guerre en Ukraine est un moment critique pour l’environnement de sécurité internationale, pour l’ordre mondial».
Une décision d’exporter des armes serait «un pas énorme» pour la Chine, qui s’exposerait ainsi à des sanctions occidentales, brûlerait les ponts restants avec Washington et saborderait les liens avec l’Europe.
Mais la perspective de voir la Russie perdre inquiète Pékin, selon M. Muraviev.
Dans ce cas de figure, «la Chine se retrouvera seule», a-t-il analysé. «La Russie est la seule grande puissance qui soutient la Chine.»
À l’inverse, une victoire russe signifierait «infliger une défaite stratégique aux États-Unis» et ainsi contribuer à alimenter le récit du président Xi Jinping, selon lequel l’Occident est en déclin – une idée actuellement mise à mal par l’enlisement de la Russie en Ukraine.
Selon le professeur, la Chine tenterait de jouer les équilibristes dans ce conflit, en trouvant le juste milieu entre le risque et la récompense: fournir des armes par l’intermédiaire d’entreprises contrôlées par l’État, de la Corée du Nord ou du groupe Wagner, plutôt que directement aux militaires russes.
«Je pense que leur approche sera plus clandestine», a-t-il conclu.
Journal de Montréal
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