Au moins 75 personnes ont été tuées ces dernières semaines par les forces de sécurité éthiopiennes, qui ont ouvert le feu contre des manifestations dans la région de l’Oromia, d’après l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW). Une accusation qui tranche avec le bilan officiel, de cinq morts.
Le gouvernement a affirmé de son côté que des « manifestations pacifiques » avaient dégénéré en violences et accusé les manifestants de « terroriser les civils ». Les manifestations ont commencé le mois dernier dans la région de l’Oromia, autour de la capitale, Addis Abeba, pour protester contre un projet d’agrandissement programmé de la capitale, qui a suscité des craintes d’expropriation de terres dans des zones traditionnellement occupées par le peuple oromo.
« Une escalade très dangereuse »
« Human Rights Watch a reçu des informations crédibles selon lesquelles les forces de sécurité ont tué des dizaines de manifestants dans les zones de Shewa et Wollega, à l’ouest d’Addis Abeba, début décembre, a déclaré l’ONG. Plusieurs personnes ont dit avoir vu les forces de sécurité dans la ville de Walliso, à 100 km au sud-ouest d’Addis Abeba, tirer sur la foule des manifestants en décembre, laissant des corps étendus par terre dans la rue. »
« Le fait que le gouvernement qualifie des manifestants très largement pacifiques de “terroristes” et l’envoi de forces militaires représentent une escalade très dangereuse », a estimé Leslie Lefkow, directrice-adjointe de l’organisation pour l’Afrique, craignant « un bain de sang encore plus important ».
Un peuple « victime de marginalisation »
Plus tôt, l’ONG avait rappelé que le peuple Oromo, qui se sent marginalisé, avait déjà subi en 2014 des violences policières :
« Les manifestations actuelles font écho aux événements sanglants d’avril et mai 2014, quand les forces fédérales avaient tiré sur des manifestants oromo largement pacifiques, en tuant des dizaines. Maintenant comme à l’époque, les manifestants protestent contre l’expansion des limites municipales d’Addis Abeba dans la région environnante de l’Oromia, car ils craignent que cela n’oblige les fermiers oromo à quitter leurs terres. [...] Mais ces manifestations sont plus que cela : de nombreux Oromo se sont sentis marginalisés et victimes de discrimination par les gouvernements éthiopiens successifs et ont souvent eu l’impression de ne pas pouvoir faire entendre leurs inquiétudes au sujet de la politique gouvernementale. »
Les défenseurs des droits de l’homme ont à plusieurs reprises dénoncé le recours des autorités éthiopiennes à une législation antiterroriste pour museler l’opposition pacifique. En 2014, Amnesty International avait affirmé que des milliers d’Oromo étaient « régulièrement l’objet d’arrestations arbitraires, de longues détentions sans inculpation, de disparitions forcées, d’actes répétés de torture et d’exécutions extrajudiciaires » par le gouvernement éthiopien, qui les accuse de soutenir le groupe rebelle Front de libération Oromo (OLF). La région de l’Oromia, qui compte près de 27 millions d’habitants, est la plus peuplée du pays et a sa propre langue, l’oromo, différente de la langue officielle, l’amharique.
Avec Afp/le monde
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