Les marines chinois
Le risque terroriste est explicitement évoqué par Pékin qui s’inquiète pour la sécurité de ses deux millions d’expatriés en Afrique. Le ministère chinois de la sécurité de l’Etat, le Guoanbu, a encore tiré récemment le signal d’alarme après avoir identifié sur le continent une série de menaces.
Depuis l’enlèvement en mai 2014 par Boko Haram de dix Chinois travaillant sur le chantier de construction d'un barrage hydroélectrique au Nigeria, les communiqués d’alerte de ce type se succèdent. La semaine dernière encore, un Chinois était enlevé au Mozambique. Crimes crapuleux, terrorisme... plusieurs dizaines de Chinois ont été enlevés ou tués depuis quelques années.
« À Pékin, la question d’une implication militaire en Afrique se pose de plus en plus ouvertement, assure l’universitaire Anthony Ross, du Centre d’études chinoises de l’université de Stellenbosch, en Afrique du Sud. Le débat fait rage au sommet de l’Etat. Le problème étant de protéger les intérêts économiques chinois, sans renoncer à se distinguer des Américains et des Européens sur le mode : “Regardez comme nous sommes pacifiques ; nous, nous ne faisons que des affaires !” »
Des groupes privés
Symbole de cette prise de conscience : la Chine commence à faire appel à des groupes privés pour ses missions les plus périlleuses. Nous avons rencontré l’un d’entre eux, l’Américain Erik Prince. L’ancien patron de Blackwater, l’armée privée la plus puissante du monde, travaille désormais en Afrique pour de grandes entreprises chinoises via son entreprise FSG installée à Hong Kong, à Pékin et à Nairobi.
Cependant, l’arrivée d’un ancien militaire américain dans le jeu brouille encore un peu plus l’image de la Chine sur le continent, risquant de la faire apparaitre comme un pion de la CIA dans la région. Preuve encore que les choses sont vraiment en train de changer, l’Afrique est le continent où l’on retrouve la plupart des casques bleus chinois.
« C’est une réponse directe à la menace terroriste, analyse David Shinn, ex-ambassadeur des Etats-Unis au Burkina et en Ethiopie. Pékin a déboursé cinq millions de dollars pour la formation et l’équipement des armées ougandaise et kényane, qui sont en première ligne contre les groupes islamistes armés. »
Un bataillon d’infanterie complet
La Chine a désormais des coopérations militaires avec onze pays de la zone (Algérie, Angola, Egypte, Ghana, Nigeria, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Tanzanie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe) et ses casques bleus sont déployés en Côte d’Ivoire, au Darfour, en RDC, au Liberia, au Sahara occidental... Mais deux pays sont particulièrement visés : le Mali, où cinq cents militaires chinois ont été déployés sous la bannière onusienne, et le Soudan du Sud où cent quarante-quatre autres sont arrivés ce mois-ci dans le cadre d’une mission de l’Unmiss. C’est la première fois que Pékin déploie un bataillon d’infanterie complet à l’extérieur de ses frontières. Des troupes combattantes à la place des traditionnels coopérants, médecins et ingénieurs.
La Chine cesserait donc d'être uniquement un partenaire économique pour s’engager sur un terrain plus politique et militaire ? Officiellement, non. Une dépêche de l’agence de presse officielle Chine nouvelle rappelait il y a peu que « l’aide de la Chine peut être précieuse pour aider l’Afrique à gagner le pari sécuritaire... En soutenant l’émergence économique du continent, la Chine apporte à l’Afrique la plus efficace des contributions contre l’extrémisme qui conduit au terrorisme, donc à l’insécurité. »
Pas question donc, pour l’instant, de créer une base militaire permanente en Afrique, même si le débat revient régulièrement. Les autorités se bornant pour l’instant à dépêcher dans certains ports des navires de guerre afin de protéger leurs porte-conteneurs et leurs pétroliers contre les pirates.
Par Sébastien Le Belzic (Hong Kong)/ le monde
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