Benjamin Netanyahou lundi avec le président de l'Ouganda, Yoweri Museveni. (Reuters)
Le Premier ministre israélien termine en Afrique de l’Est une visite historique de quatre jours. Ouganda, Kenya, Rwanda, Ethiopie : Benjamin Netanyahou investit massivement ces pays africains. Un choix qui cache de forts enjeux sécuritaires.
Il y a des décennies qu’un chef de gouvernement israélien n’avait pas mis les pieds en Afrique de l’Est pour une telle tournée. "Israël revient en Afrique et l’Afrique revient en Israël", avait prévenu en février Benjamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien confirme ses investissements en Afrique avec ce voyage, et la promesse d’accorder près de 12 millions d’euros au "renforcement des relations économiques et de la coopération avec les pays africains", comprenant notamment une formation dans les domaines de la "sécurité nationale". Car la sécurité est un des enjeux cruciaux de la présence d’Israël en Afrique de l’Est.
La présence israélienne dans le marché africain de la sécurité est impressionnant : "sociétés de sécurité spécialisées, système de renseignements nationaux, sécurité rapprochée pour les chefs d’Etat, gardes du corps, dispositifs de renseignement, matériel, et encore formation professionnelle", détaille pour le JDD Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’IRIS spécialiste de l'Afrique Subsaharienne.
Le président kényan, Uhuru Kenyatta, a d’ailleurs reconnu son intérêt pour l’expérience d’Israël en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. "Israël doit faire face à ce défi depuis plus longtemps que nous, en tant que pays et en tant que région", a-t-il déclaré lors de la visite du Premier ministre israélien. Face à cette demande, Benjamin Netanyahou s’est réjoui : "L'Afrique n'a pas de meilleur ami en dehors de l'Afrique que l'Etat d'Israël quand il s'agit de besoins pratiques sur la sécurité et le développement."
D’après David Elkaïm, membre du Centre Français de Recherche sur le Renseignement et spécialiste des enjeux sécuritaires en Israël, interrogé par le JDD, l’Afrique représente un gros client pour Israël. "Dans le domaine de la sécurité, Israël a un savoir-faire qu’il cherche à exporter, et les Africains en sont demandeurs. Pour les Africains, avoir accès à une technologie pointue et ce type de savoir-faire leur permet de ne pas être totalement dépendants des Européens et des Américains."
Pour David Elkaïm, le fait qu’Israël investisse en Afrique "est une tendance qui date des années 1960, quand Israël voulait contourner son isolement. A l’époque, c’était très compliqué pour Israël d’aller faire du business puisque aucun pays arabe n’acceptait de discuter avec lui. Donc il s’est tourné vers les pays africains."
Pierre Jacquemot, confirme qu’"à défaut de pouvoir s’implanter dans des régions qui ont pris position pour la cause palestinienne, Israël trouve dans la région du Kenya un accueil favorable et une communauté d’affaires particulièrement dynamique."
"C’est d’abord pour assurer sa propre sécurité qu’Israël investit en Afrique", explique David Elkaïm. "Les dangers qui menacent Israël - notamment le terrorisme - peuvent se jouer en Afrique, par exemple en Somalie, où les réseaux djihadistes sont très actifs. Donc investir sur la sécurité de l’Afrique permet à Israël d’avoir un oeil sur ce qu’il s’y passe et de maîtriser un peu plus sa propre sécurité."
"Nous construisons un État moderne sur les cendres du génocide. Et nous avons un modèle à suivre", déclarait à la presse israélienne l'ambassadeur rwandais à Tel-Aviv. Ce modèle, c’est Israël. "Le gouvernement rwandais s'est senti une réelle affinité avec Israël pour des raisons historiques évidentes", explique Phil Clark, spécialiste du Rwanda à l'Université d’Etudes Orientales et Africaines de Londres. "C'est un pays qui a connu également un génocide, un petit pays entouré de voisins hostiles, un pays avec très peu de ressources mais qui s'est relevé de son génocide très rapidement et d'une manière très impressionnante. Il était évident pour le Rwanda de se tourner vers Israël pour s'en inspirer", ajoute-t-il.
Critiqué pour ses activités nucléaires ou pour l’occupation des territoires palestiniens, Israël a du mal à s’imposer dans les institutions internationales. En se faisant une place au Kenya, en Tanzanie ou en Ouganda, Israël espère s'assurer de leur soutien et peser davantage dans les institutions internationales.
Au-delà des intérêts israéliens, le renforcement des relations avec l’Afrique pourrait représenter un enjeu personnel pour le Premier ministre. "Netanyahou est sous le feu des critiques, parce qu’on lui reproche d’isoler diplomatiquement Israël, rappelle David Elkaïm auJDD. Donc en nouant de nouveaux liens avec l’Afrique, il veut pouvoir répondre à ses détracteurs 'mais non je n’isole pas Israël, la preuve : on est en train de tisser un réseau diplomatique en Afrique.'"
Mais la stratégie du Premier ministre n’est pas appréciée par l’opposition. Isaac Herzog, chef du parti travailliste, a accusé ce lundi Netanyahou de quitter le pays au milieu de crises politiques et sécuritaires. "Il semble que Netanyahu n’ait jamais abandonné l’Afrique, et laisse le pays entier sans solution face à la vague de terrorisme", a-t-il dénoncé.
Israël investit en Afrique "d’abord pour assurer sa propre sécurité"Des raisons historiques au RwandaL’Afrique est une des rares alliées commerciales d’IsraëlPeser dans les institutions internationalesUn enjeu personnel pour Benjamin NetanyahouLa sécurité en Afrique est un gros business pour Israël
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